Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

mercredi, octobre 29, 2014

RÉCITAL LYRIQUE


«  Opéra – Espérance »

L’association LyricOpéra  est heureuse de vous accueillir pour ce premier concert de notre saison 2014-2015,
et vous propose ce récital dans le cadre du « Mois du Parvis » dont la thématique : « L’espérance en action » sera illustrée par des Airs et Duos d’Opéra.
Nous avons la joie d’accueillir
Jennifer MICHEL soprano
Juan Antonio NOGUEIRA ténor
Frédéric ISOLETTA au piano

Jennifer MICHEL, soprano, jeune pensionnaire du CNIPAL , structure qui hélas a définitivement fermé ses portes, est une artiste lyrique à l’aube d’une brillante carrière, pleine de promesses, carrière qui a déjà pris son envol : elle a été une bouleversante Mireille en octobre 2014 à l’Opéra de Marseille, où nous pourrons l’entendre dans L’ELISIR D’AMORE en décembre prochain où elle sera Giannetta.
Juan Antonio NOGUEIRA est un ténor, au parcours atypique, qui se produit également à l’Opéra de Marseille et dont la voix chaude et puissante a conquis plusieurs scènes en France et à l’étranger.
Ils vous proposent un répertoire qu’ils ont composé et choisi de nommer : « Opéra Espérance ».
Et pour chanter cette thématique nos artistes proposent un programme d’airs et de duos qui célèbrent et magnifient cette espérance.
Nous sommes à L’Opéra, c’est bien sûr l’Amour qui est chanté : l’espoir dans l’amour de l’élue de son cœur, d’Alfredo pour Violetta dans Traviata, de Rodolphe pour Mimi dans La Bohème, du Chevalier Des Grieux pour Manon, l’espoir du retour du bien aimé pour Madame Butterfly, l’espoir de Mireille dans son amour pour Vincent…
Mais Il y a aussi des jours où l’espoir est vain et où les amours déçues font peser une certaine tristesse, c’est alors la mélodie française du début du XXe siècle qui console, avec Henri Duparc et sa célèbre Chanson triste...
Nous espérons que ce programme saura vous plaire par le choix des œuvres et des genres.
Nos artistes seront accompagnés par Frédéric ISOLETTA, bien connu du public marseillais, artiste talentueux qui se produit sur les scènes internationales auprès de grands interprètes, avec autant de talent dans le répertoire lyrique que dans le répertoire contemporain. Nous aurons le plaisir de l’écouter dans deux pièces pour piano.
Le concert sera suivi d’un moment de partage autour d’un verre, pour ne pas nous quitter sans nous être revus, comme des amis déjà, depuis l’année dernière et afin d’échanger nos impressions entre spectateurs, organisateurs et bien sûr, avec les artistes.
LyricOpéra vous souhaite une très agréable soirée.

Marthe SEBAG, Secrétaire de LyricOpéra

vendredi, octobre 24, 2014

LAKMÉ À TOULON


L‘ACMÉ DU CHANT FRANÇAIS

LAKMÉ,
Opéra en trois actes de Léo Delibes (1836-1891), livret d’Edmond Gondinet (1828-1888) et Philippe Gille (1831-1901) d’après  Rarahu ou le Mariage de Loti 
Création : Paris, Opéra-Comique, 14 avril 1883

OPÉRA DE TOULON,
12 octobre 2014

L’œuvre
    Fin du XIXe siècle, la mode orientaliste règne en France sur la scène et les arts, appuyée aussi sur un colonialisme tranquille, à la bonne conscience. Pierre Loti, officier de marine, fait rêver avec ses récits, ses romans sur fond autobiographique d’amours faciles et sans engagement pour le mâle occidental triomphant. Cela donnera des tragédies comme Madame Butterfly, victime d’avoir cru au mirage d’un mariage qui n’était, pour le fallacieux époux américain, qu’une union par location, révocable à chaque instant. Mais, quinze ans avant Puccini, il y a, entre autres, cette Lakmé dont l’agréable et séduisante musique cache mal une douloureuse trame, un drame de l’incompréhension entre deux cultures, ici l’indienne, écrasée par l’arrogance supérieure de la colonisation anglaise, le fatal décalage entre deux cultures et deux milieux sociaux incompatibles malgré l’amour partagé entre la jeune hindoue et le jeune officier britannique.

    Intégrisme religieux, terrorisme ?
   En effet, dans l’Inde colonisée du XIXe  siècle, où l’occupant blanc interdit la religion autochtone qui devient clandestine, avec tous les secrets inquiétants que cela peut supposer et la haine accumulée, la rencontre entre Lakmé, vouée au temple et sacrée comme une vestale autrefois, et Gérald, officier anglais occupant, ne peut déboucher que sur une impasse, raciale, sociale, culturelle. C’était déjà le nœud de la prêtresse Norma pactisant en secret avec l’envahisseur romain, trahissant sa patrie : Lakmé est fille du Brahmane Nikalantha, qu’on dirait aujourd’hui intégriste religieux, fanatisé, proche d’un terrorisme  venir ; elle est une sorte de déesse, donc intouchable, en tout opposée au charmant colonisateur pour qui ce pays est une source d’exotisme et de curiosité esthétique. Le contraste entre les Hindous et les Anglais, Gérald, son ami Frédérick, les deux filles du gouverneur et leur gouvernante pincée, Mistress Bentson, est habilement traité par la musique qui en trahit l’inadéquation aux lieux, encore que le premier air de Gérald a une poétique saveur orientalisante qui exprime en lui, peut-être, au-delà de son sens esthétique émerveillé d’un bijou, un possible sentiment d’adaptation, sensible et amoureux.
 Le discours endogène des femmes, guère porté à la communication autre qu’exotique, ne fait que renforcer leur sentiment presque freudien d’inquiétante étrangeté face à ce pays, l’Inde, son peuple et ses rituels, d’autant que la situation politique est tendue entre occupants et occupés : le regard supérieur et rapide du touriste. Seul Frédérick a une approche plus sympathique et moins superficielle, seul personnage à n’être pas un sommaire « caractère » simpliste de convention, comme Nikalantha, le méchant « intégriste » bien méchant, même non sans raisons, contre l’envahisseur : à part Frédérick, tous sont pratiquement unidimensionnels, d’un simplisme conventionnel d’Opéra-comique, aux gros traits sans grandes nuances. Si Lakmé, douce et tendre, en attente inconsciente de l’amour comme un Chérubin féminin mélancolique,  dans son air délicat d’introspection, et Gérald, présenté comme un rêveur poète, énamouré d’un bijou, même pas d’un portrait de femme comme Tamino dans La Flûte enchantée, leur amour en une seule rencontre est bien fulgurant et d’une convention qui n’offre guère de place à un développement affectif vraisemblable, que pourtant, leur deux airs solitaires, deux âmes en recherche, laissaient entrevoir. Mais la grâce de la musique est telle qu’on se laisse embarquer, même sans autre émotion que musicale et lyrique, dans leur schématique aventure perturbée par la traditionnel baryton jaloux, ici un père quelque peu incestueux.


Réalisation et interprétation
    Le minimalisme de la scénographie de Caroline Ginet, au lever de rideau, sur un fond indécis de verdure ombreuse, un tertre de terre rouge pour figurer le temple et son autel, nous épargne un pittoresque exotique à couleur locale trop colorée. La profanation de l’intrus anglais, la souillure, est élégamment symbolisée avec sobriété par le récipient renversé de poudre jaune, or ou safran, égales denrées précieuses pour les avides colonisateurs, à côté de corbeilles de fleurs, fleurs perdues, profanées, préfigurant le délicieux duo de Lakmé et sa servante ; au dernier acte, un énorme saule pleureur, signe éploré des amours à pleurer, avec encore ce rideau de fond, fondu végétal de lianes hésitant entre ombre et lumière, rêve et réalité, filtrant de superbes éclairages bleutés de Gilles Gentner, ont la même simplicité d’épure pour les pures amours ainsi mises en relief par la mise en scène sobre ou pauvre, trop a minima dramatique de Lilo Baur. Cependant, à l’acte II, peut-être trop serré sur la scène de Toulon, et trop crûment éclairé, l’entassement du portique, colonnettes et piliers métalliques, apparemment méticuleusement astiqués, claquent comme un clinquant hétéroclite de brocante de quincaille de bric et de broc, de temple hindou attendant des touristes pour une exotique fête locale au colorisme accusé par contraste. 

Les costumes d’Hanna Sjödin sont sagement post-victoriens pour les Anglais et pittoresquement exubérants pour ceux qu’on appelait les « indigènes » dans l’acte II, à grand renfort de jaunes éblouissants. Quelque arrogante brutalité des dominateurs européens, si elle traduit la botte impérialiste et justifie la haine du brahmane, est sans doute trop discrète, au milieu des agréables danses obligées des bayadères (chorégraphie : Olia Lydaki), pour montrer une tension politique explosive, juste un peu d’amertume dans le sirop amoureux entre la dolente hindoue et l’indolent Anglais. Hors cela, l’arrière-plan politique, qui aurait pu soutenir une tension dramatique puissante, malheureusement d’actualité aujourd’hui, est juste allusif et on regrette aussi que le personnage du Brahmane, monolithique religieusement mais père ambigu, qui guette même, comme un amant jaloux, le sommeil de sa fille, ne soit pas traité : « J’ai voulu t’écouter dormir », avoue-t-il dans une formule bien plaisante qui supposerait que la tendre Lakmé ronfle… (et l’on passera aussi sur le formule pléonastique d’une « ombre assombrit ta beauté. »


 
L’acmé chant français
    Dépassés l’amusement d’un Casanova à l’Opéra de Paris sur la façon française de chanter, ou les sarcasmes d’un Rousseau sur l’« urlo francese », ‘le hurlement français’, oubliées les failles d’une certaine école aujourd’hui dépassées par la jeune génération, on peut dire sans hésiter que la distribution entièrement française de cette production de Lakmé, du premier au dernier chanteur de l’œuvre, a représenté l’acmé, un sommet sans doute du chant français dans sa plus belle expression d’élégance, de clarté, de diction : un bonheur. Une réussite chorale d’une équipe (et l’on n’oublie pas le chœur bien mené) au service d’une musique française raffinée et délicate, d’un exotisme de bon ton, mais bon teint, efficace sans démonstration, aussi évanescente parfois que l’héroïne rêveuse, efflorescente non seulement de tant de fleurs évoquées, effeuillées par Lakmé et Mallika  dans leur duo poétique et charmeur, mais au lyrisme fleuri de vocalises en guirlandes : fleur du beau, du bien mais aussi du mal puisque la jeune fille en fleur se donne la mort en mangeant la datura fatale.

Si l’on excepte deux grands aînés, Cécile Galois, campant une Mistress Bentson très british de sa voix d’ample velours grave, et Marc Barrard, voix d’ombre adoucie de tendresse paternelle et amoureuse dans « Lakmé, ton doux regard se voile… », effrayant dans la scène du complot, toujours magistral, la jeunesse des autres interprètes est remarquable. En une seule phrase, dans le rôle du serviteur Hadji, Loïc Félix, déjà remarqué à Marseille dans Orphée aux Enfers, impose la beauté de son phrasé et de son timbre. Deux jeunes anciennes — du prestigieux CNIPAL misérablement abandonné— Elodie Kimmel et Jennifer Michel, ravissent de leur joli timbre de soprano, pimpantes Rose et Ellen. Duettiste dans le fameux duo des fleurs, Aurore Ugolin, au timbre charnu et voluptueux, donne une grande envie de la réentendre. Christophe gay, baryton, est un beau et élégant Frédérick à la superbe voix et allure, qui semble chez lui sur scène. Le ténor Jean-François Borras est un ténor de grande classe en Gérald : d’une rare finesse de timbre, il varie élégamment les couleurs de sa voix qu’il plie aux plus délicates nuances, passant du registre de poitrine, sachant être héroïque, aux demi-teintes de la voix mixte, avec des effets sans afféterie d’une exquise poésie. Il est le digne partenaire de la Lakmé de Sabine Devieilhe, menue poupée qui n’est pas défigurée par une grande voix, émouvante et sensible dans son air d’introspection et les duos, elle déploie toutes les irisations d’un timbre délicat, moelleux même dans l’aigu extrême, sans nulle dureté, une technique impressionnante de précision et d’aisance : une petite grande Lakmé.
À le tête de l’Orchestre et chœur de l’Opéra de Toulon, l’italianissime Giuliano Carella se fait le plus français des chefs pour servir cette musique élégante et mesurée, qu’on dirait exemplaire de la culture française si les frontières n’étaient absurdes, artificielles, et la musique, universelle, comme ceux qui la servent et la dirigent. Musicalement, vocalement, une réussite.

Lakmé de Léo Delibes
Opéra de Toulon
10 -12 - 14 octobre
Coproduction Opéra de Lausanne et Opéra-Comique
Direction musicale Giuliano Carella. Orchestre, chœur et ballet de l’Opéra de Toulon

 Mise en scène : Lilo Baur. Chorégraphie : Olia Lydaki. Décors : Caroline Ginet.  Costumes :  Hanna Sjödin. Lumières : Gilles Gentner.
Distribution :
Lakmé : Sabine Devieilhe ; Mallika : Aurore Ugolin ; Ellen : Elodie Kimmel ; Rose : Jennifer Michel ; Mistress Bentson : Cécile Galois.
Gérald : Jean-François Borras ; Nilakantha : Marc Barrard ; Frédérick : Christophe Gay ; Hadji : Loïc Félix.

Photos ©Frédéric Stéphan
1. Anglais dans le temple :  C. Galois (sur le talus), de gauche à droite : J. Michel, B. Arnould, J.-F. Borras, Elodie Kimmel.
2. Découverte de la profanation par les Hindous. De gauche à droite : L. Félix, A. Ugolin ; M. Barrard, S. Devieilhe.
3. Lakmé et Gérald (Devieilhe, Borras).
4. Place du marché : au centre, Nikalantha et Lakmé en mendiants.
5. Danse des bayadères.
6. Mort de Lakmé entre son père et son aimé.

mardi, octobre 07, 2014

CHRISTINA À MARSEILLE


THÉÂTRE NONO


HOMMAGE À ALAIN AUBIN



RADIO DIALOGUE (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 141

(SANS LES EXEMPLES MUSICAUX, ÉVIDEMMENT)

ALAIN AUBIN
(Au Gyptis, à l'arrière-plan, Jean-Paul Serra)

      Marseille a la chance de compter un très grand nombre d’artistes talentueux et il est normal d’en parler, de les mettre en valeur, évidemment sans chauvinisme local, sans esprit de clocher ce qui serait les desservir par un parti pris régionaliste qui ne serait pas très flatteur pour eux, et guère non plus pour une prétendue critique plus subjective et affective qu’objective et honnête. C’est pourquoi c’est un plaisir de parler et faire entendre Alain Aubin, contre-ténor, compositeur, chef de chœur qui honore Marseille de son talent multiple comme Marseille
 doit se sentir honorée que ce longtemps globe trotteur de la musique et du chant se soit fixé ici, chez nous, chez lui, pour nous faire partager les diverses facettes de son talent.
        C’est son dernier disque, toujours original, qui nous en donne l’occasion, un enregistrement qui comprend vingt-trois superbes mélodies du grand compositeur argentin Carlos Gustavino (1912-2000), malheureusement trop peu connu en France. Ce CD de près d’une heure est joliment nommé Jardín de amores, ‘Jardin d’amour’, des amours. Et c’est bien un acte d’amour d’Alain Aubin et de son partenaire pianiste Nicolas Mazmanian, parfait accompagnateur et délicat soliste dans ces parties indissociables du dialogue entre le piano et la mélodie, d'autant que le compositeur donne aussi la part belle au piano. On apprécie aussi cette fantasque pochette de Max Minniti qui présente les deux artistes, le chanteur et le pianiste, les deux compères, dans une pluie versicolore, multicolore de fruits exotiques et de chez nous  : Marseille, la multi-colorée, colorée, tournée vers l’au-delà des  couleurs et merveilles d’outre-mer.
     Alain Aubin, au départ hautboïste, instrumentiste spécialisé dans le hautbois, donc parfait musicien, se définit comme contre-ténor, c’est-à-dire, un chanteur en général baryton, qui a travaillé la voix de tête, de fausset, une tessiture d’alto, la plus grave des voix féminines, ce qui a donné lieu, à notre époque, à une spécialisation des contre-ténors dans les rôles longtemps oubliés des castrats des opéras baroques. Et c’est dans cette spécialisation qu’Alain Aubin, qui a gardé de son hautbois originel la couleur étrangement boisée de son timbre, s’est d’abord fait connaître, internationalement.
    C’est Philippe Herreweghe, prestigieux chef  d’ensemble « baroqueux » qui découvre sa voix alors qu’il n’était encore qu’hautboïste à l’Opéra de Marseille. Ses brillants débuts à la fameuse Chapelle Royale que dirige Herreweghe le consacrent comme spécialiste des musiques anciennes. Ses premiers rôles sur scène sont dans le répertoire du premier baroque, l’Orfeo de Monteverdi, Calisto de Cavalli, puis  du second baroque virtuose, Rodelinda et Tamerlano de Händel, à Royaumont. Et voilà notre Alain local parcourant les grandes scènes européennes : on l’entend dans ces rôles à Vienne, Bruxelles, Rome, au fameux San Carlo de Naples. En France, on le voit  sur nombre de scènes lyriques, à Lyon, Montpellier, Paris, Bordeaux, Montpellier, etc.
    On invite à l’écouter dans la première de ces mélodies de Guastavino (plage 1), qui sont classées par cycles, textes de très grands poètes latino-américains et espagnols, ici  le grand Rafael Alberti, Se equivocó la paloma, ’La colombe se trompa’, elle se trompait, elle prit le nord pour le sud … » aux étranges couleurs.
      Mais très vite, dès 96-97 la curiosité musicale d’Alain Aubin le pousse vers la musique contemporaine qui découvre les possibilités inouïes (qu’on ignorait jusque-là) du timbre singulier de contre-ténor. Il participe à la création de GO-gol de Michaël Lévinas, mis en scène par Daniel Mesguisch (Opéra de Montpellier et Festival Musica de Strasbourg). Il collabore avec le compositeur et metteur en scène Roberto De Simone. Ce dernier l'invite à chanter plusieurs fois au San Carlo de Naples, et compose pour sa voix, en 2004, le rôle de la Reine Sofia, dans Il Re Bello (à Florence où naquit ce qu'on nommera plus tard l'opéra). Il le fait aussi débuter à l’Opéra de Rome dans un spectacle réunissant Il Combatimento di Tancredi e Clorinda du baroque Monteverdi et L'Histoire du soldat du moderne Stravinsky : baroque et contemporain, les deux versants de la vocation de notre Marseillais.


     Puis, en 98, il rencontre Peter Eötvös qui lui confie le rôle d’Olga, dans son opéra en russe Trois Sœurs, d’après Tchékov, à l'Opéra de Lyon sous la direction de Kent Nagano, un succès éclatant. Il chante ce rôle au Châtelet, à Bruxelles et au WienerFestWochen, à Vienne. La captation de cet événement a été diffusée plusieurs fois sur les chaînes ARTE et MEZZO, (DVD DeutschGrammophon). En 2000, il crée au Châtelet, le concerto pour violon et contre-ténor de Gijan Kancheli, en duo avec Gidon Kremer, (dir. K. Nagano). 
Écoutez-le encore prêter sa voix à la complainte d’un meneur de troupeaux solitaire, El San pedrino, avec juste le regret, s'il prononce bien l'espagnol, qu'il néglige la couleur argentine de ll et y prononcés là-bas comme des j français.
    Mais ces succès internationaux ne lui font pas oublier Marseille. Il y collabore souvent avec Raoul Lay, et l’ensemble Télémaque (qu'on ne présente pas ici, vieille connaissance de ce blog). On le voit dans El Amor Brujo de Manuel de Falla (La Criée), à l’Opéra, au GMEM, au Théâtre Gyptis, au MUCEM dans le cadre de MP2013, et il est désormais artiste associé du Théâtre Nono pour la saison 2014-2015, pour L'Ostinata, spectacle lyrique, et il compose la musique de Purgatorio, installation lyrique et théâtrale mise en scène par Serge Noyelle, mettant en jeu plus de deux cents chanteurs, danseurs, musiciens et comédiens. Il allie de la sorte sa double casquette de chef de chœur populaire et de compositeur. Rappelons : on lui avait commandé,

 pour la cérémonie d'ouverture, de MP2013 Aoïdé!, oratorio pour grand chœur, solistes orgue et cuivres créé à la cathédrale de la Major le 12 janvier. Et, dans le même cadre, il avait composé El Cachafaz de Copi, un opéra tango pour quatre instruments, trois chœurs et dispositif électroacoustique pour Catherine Marnas. Ses compositions, mélodies, musiques de scène, sont innombrables, et rappelons le final de La Massalia, pour mille choristes, en 1999, commande de la Ville de Marseille pour le 26e centenaire.
    On le reverra en 2015, où l’opéra de Marseille et le GMEM l’invitent pour une carte blanche, pour laquelle il a choisi d'interpréter Beseit, cycle de Heinz Holliger sur les poèmes de  Robert Walser.

Addenda : il aurait fallu une autre émission et d'autres documents pour parler d'Alain Aubin compositeur. Voici juste quelques notes encore sur cette partie, partition, de sa généreuse carrière.

    Fratris Solis, 'Frère soleil'  (ode à François d’Assise) est sa première composition, enregistrée en 1993 chez Sonpact. La Cité des Arts de la rue, Lieux Publics lui commande en 2006 la création musicale “N’écoutez pas!”
     Depuis, il a composé la musique pour chœur et la musique de scène de Sainte Jeanne des abattoirs de Bertolt Brecht, (Théâtre de la Passerelle Gap, Châteauvallon, La Criée, Les Salins de Martigues, CDN de Montreuil et CNBA de Bordeaux). Cette expérience avec des amateurs lui a permis d’élaborer un langage musical adapté à la transmission orale qu'il poursuit avec une abnégation et une passion de missionnaire de la musique pour tous.
    Le Centre Culturel Français de Phnom Penh l’a accueilli en résidence l’été 2008, avec Catherine Marnas, pour une création musicale sur le conte Khmer Les deux Perdrix, mêlant voix, musique électronique et instruments traditionnels. Cette invitation s’est renouvelée en 2010 pour L’Affaire de la rue de Lourcine de Labiche.
    Il  a composé en 2011 la musique du Verfügbar aux Enfers de Germaine Tillion, des chants polyphoniques sur des poèmes de Ghérasim Luca et la musique de Romeo et Juliette de Shakespeare pour le Théâtre Gyptis avec la regrettée metteure en scène Françoise Chatôt.
Récital au Gyptis avec Jean-Paul Serra au clavecin
Cette complicité se poursuivit en 2013 avec la musique de scène de
Macbeth et seule la disparition prématurée et irréparable de cette grande dame que l'on pleure encore, a interrompu une collaboration dont elle était enchantée avant d'enchanter le public.



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