Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
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L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

mardi, avril 03, 2012

RETOUR À TOMASI


RETOUR À TOMASI
(1901-1971)

On le joue en Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Colombie, Espagne, Finlande, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Monaco, Portugal, Roumanie, Slovénie, Suisse, Tchékie, Venezuela. Et même en France… Même si cette ingrate terre natale rattrape un peu son retard cette année. Cent-vingt dates recensées de divers concerts et événements en 2011 autour de ce grand compositeur français qui honore son pays. On en trouvera une liste abrégée ci-dessous.

DISQUES
Il y a peu, le trio d’anches Hamburg signait un beau disque du Divertimento corsica (1952), du Concerto pour hautbois et orchestre de chambre (1959), du Concerto pour basson et orchestre de chambre (1961) et du Concerto pour clarinette et orchestre à cordes (1957), un disque allemand Faro classics, qui permet de suivre près de dix ans de traitement des cordes par Tomasi.
  Deux disques récents du label IndéSENS! reprennent des œuvres antérieures ou contemporaines.
Le premier, Henri Tomasi, Mélodies Corses, Cyrnos grave pour la première fois la version pour deux pianos de Cyrnos (1929), expression de l’âme corse à travers des rythmes traditionnels locaux. Les remarquables interprètes en sont Laurent Wagschal et Sodie Braide, le premier accompagnant Johanne Cassar, soprano, dans la partie chantée. Ce disque précieux comporte aussi des mélodies écrites entre 1929 et 1933, Chants corses (1932), un extrait des Cantu di Cirnu (1933), le Cantu di malincunia (1933), mais aussi des poèmes de Paul Fort et de Francis Jammes, mis en musique en 1932. Un beau témoignage de la biographie musicale d’un Tomasi dans sa trentième année, penché sur la patrimoine culturel de son île de Beauté mais attentif à la poésie continentale de son temps.
Ce disque renferme le trésor des Six mélodies populaires corses qu’il harmonisa délicatement en 1930, faisant connaître en France ce folklore presque inconnu jusque-là. Il est vrai que son père Xavier Tomasi lui avait ouvert la voix, collectant et harmonisant certaines mélodies qui se seraient perdues sans lui et qu’il publia en 1912 sous le titre de Corsica. On y trouve une fameuse berceuse, la délicieuse Ciuciarella, chantée dans ce même disque par Johanne Cassar à la voix douce et tendre :  tandis que le père travaille dans les champs, la mère se penche sur le berceau de sa fillette adorée pour l’endormir, évoque les chevrettes, les mouflons et bichettes des collines, les lapins, bref, de vraies peluches. On ne sera pas étonné, à l’écoute de cette Ciuciarella, à entendre cette vocalité tendre et charnelle, qu’Henri Tomasi, amant de la musique et amoureux de la voix, se soit donné, adonné, sa vie durant, corps et âme, âme et corps, à cette incarnation, à cette mise en chair, de la musique, si méditerranéenne, qu’est l’art lyrique, l’opéra. Il a écrit pas moins de onze opéras, ce qui en fait le plus grand compositeur lyrique français du XX e siècle. Parmi ces opéras, trois indiscutables chefs-d’œuvre, Don Juan de Mañara, d’après Milosz, L’Atlantide, d’après Pierre Benoît, Sampiero Corso, qu’on a eu la chance de revoir repris à l’Opéra de Marseille, en corse, il y a quelque années.

Un second disque, sous le même label IndéSENS ! offre un éblouissant parcours de son œuvre intégrale pour trompette, par Eric Aubier, œuvres de 1944 à 1963. On y trouve, entre autre, le puissant Concerto pour trompette et orchestre (1948), les célèbres Fanfares liturgiques, les deux versions de la Semaine sainte à Cuzco pour orgue  et pour orchestre (1962),  l’étrange douceur de ces Variations grégoriennes sur un Salve Regina (1963), cet hymne à la Vierge  qui est un peu l’hymne national corse.

FRAGMENTS BIOGRAPHIQUES
On se permettra d’en rappeler quelques éléments. Henri Tomasi d’origine corse, est né à Marseille, à la Belle-de-Mai, d’un père facteur. On connaît sa biographie par un livre écrit par son fils, par un film, une évocation théâtrale à La Criée, reprise cette année écoulée en Corse. Son père, le facteur, est autoritaire, violent. Ce Corse a hérité l’autorité paternelle antique, la tradition méditerranéenne du « pater familias », le Père de famille incontesté, qui est à la famille, ce que le souverain indiscuté est à l’état ; l’état est une sorte de famille et la famille, un état, avec, au centre, ce chef absolu et tyrannique, père de la nation ou de la maisonnée : un tyran domestique. Il use mais abuse surtout de son autorité.
Ce facteur, a par ailleurs, beaucoup de mérite : il est musicien amateur mais son bras est prolongé non de la baguette du chef mais du nerf de bœuf du tyran. Il bat sa femme, la mère  sous les yeux de son fils Henri. Pour l’enfant, marqué à vie, c’est la première expérience, impardonnable, de l’injustice, de l’impuissance, de la révolte. Il n’oubliera jamais ce premier traumatisme. Son père lui a donné une première éducation musicale. Apparemment très soignée. Et voilà le petit Henri, petit Mozart, endimanché, petit singe savant, promené par le père orgueilleux, le facteur fier de son fils, dans les villas des « riches » marseillais pour agrémenter leurs loisirs par son talent de jeune pianiste prodige. C’est aussi l’humiliation de classe pour ce jeune garçon dont la dignité est ainsi blessée.
Le miracle, c’est que l’enfant, qui aurait peu avoir une haine justifiée du père, n’ait pas haï la musique, ni la Corse, ni son humble extraction sociale, même lorsqu’il sera commensal illustre de rois, invité à leur table. Il aurait pu haïr la Corse de son père, il aurait pu détester la musique qu’il lui a imposée. En tous cas, l’amour de la mère souffre-douleur du père  violent, et « la mort » œdipienne, symbolique du père se traduisent plus au niveau politique : le père est corse, bonapartiste ; fils aura une généreuse vocation anarchiste, il sera toujours politiquement à gauche sinon gauchiste. C’est le révolté contre toutes les tyrannies jusqu’à l’heure de sa mort et nombre d’œuvres traduiront cet engagement moral, politique, en faveur des damnés de la terre, des opprimés. J’en rappelle quelques unes :
l’austère oratorio, si lyrique, le Silence de la mer sur le texte de Vercors, cette sombre et sublime histoire de l’occupation allemande et du silence parlant d’un grand-père et d’une jeune fille pianiste face à un officier allemand musicien et amoureux de la France. Il y a Le Triomphe de Jeanne, son Requiem pour la paix, sa généreuse Symphonie du Tiers-Monde d’après la pièce Aimé Césaire, Une saison au Congo, 1968, Chant pour le Viet-nam, encore  1968, presque à la veille de sa mort.
Le miracle, c’est qu’il n’ait pas confondu violence paternelle et musique, qu’il n’ait pas renié avec l’homme, ses origines corses. Au contraire, puisque la musique a été son expression naturelle pour dire justement l’humanité la plus belle et la plus belle des îles, la Kallisté, la Cyrnos des Grecs, la Corse. En effet, dès la fin de ses études musicales de chef d’orchestre et de composition à Paris, récompensé par le prestigieux Prix de Rome, au cours de son voyage de noces dans l’île de Beauté, il compose en 1929 Cyrnos, poème symphonique en deux versions, pour piano et orchestre ou deux pianos.
Mais Tomasi aura touché prolifiquement à tous les genres : musiques instrumentales, orchestrales ou solistes, pour les instruments les plus variés ; pour la voix, des opéras, ces chansons du folklore corses mais également de vastes compositions pour chœur et orchestre ou piano. Les œuvres scéniques abondent, de la musique de film, aux pièces radiophoniques et ballets (13 opus).
À côté de son prenant travail  de chef d’Orchestre, en quelque 40 ans de production, Henri Tomasi aura composé quelque 300 œuvres, et beaucoup de chefs-d’œuvre là-dedans, interprétés par les plus grands artistes : David Erly, le violoniste, dédicataire d’un concerto extrêmement complexe, Jean-Pierre Rampal, le grand flûtiste, Marielle Nordmann, la harpiste, Alexandre Lagoya, Régine Crespin, Gabriel Bacquier, parmi les grands noms du lyrique, etc.
On peut se faire une idée de la générosité de sa production en se replongeant dans un livre album richement illustré par une belle iconographie, une superbe galerie de photos, dont j’avais déjà parlé ici et qu’on doit rappeler :
UN IDÉAL MÉDITERRANÉEN
HENRI TOMASI,
par Michel Solis,
Postface de Daniel Mesguich, accompagné d’un CD de trois œuvres du compositeur,
Éditions Albiana, 182 pages, 25 euros.

Le livre comporte un catalogue de 12 pages de titres de ses compositions (toutes éditées à deux exceptions près). Bien compté,  on y trouve la liste de 50 disques compacts de ses œuvres. Deux films lui furent consacrés. Belle somme ! En somme, on n’a guère d’excuse à ignorer la production de cet homme qu’on peut sans exagération nommer géant de la musique eu égard à la brièveté de sa vie.
Tomasi semble aujourd’hui être devenu le compositeur de sa génération le plus joué dans le monde. Loin des chapelles et des modes musicales, sa musique est puissamment originale et, en une époque où la théorie étouffa si souvent l’humain, chez lui, c’est l’humanité qui déborde et transcende toute théorie. On peut le répéter, derrière le grand compositeur, c’est toujours un homme que l’on entend, attentif à la souffrante humaine, à la grandeur et à la misère de notre humanité.
Henri Tomasi fut tenté par l’absolu mystique. Mais le vrai mysticisme de l’ombrageux et solaire compositeur, qui perdit la foi avec ou après la guerre, sa vraie quête spirituelle est toute tournée vers l’humain, vers le monde, vers l’Autre  qui souffre : c’est dans sa musique exaltée et extasiée parfois, qu’il faut le chercher, écho mystique d’un éternel révolté contre la misère du monde, contre tous les pouvoirs oppresseurs, contre l’injustice sociale, qui semble pourtant, avec douceur et douleur, interroger le Ciel, présent ou absent. Sa musique, si ancrée par ses origines et par sa volonté dans la Méditerranée, donne la sensation de liberté vitale d’un viscéral méditerranéen, mais citoyen universel d’une mer non pas close sur son nombril mais ouverte à tous les vents et, sinon à ce puissant et oppresseur Nouveau Monde d’un Dvorak, du moins à ce pauvre Tiers Monde de sa symphonie!

Concerts les plus importants  (2011) :

· New York : Concerto pour clarinette ;
· Hambourg: Divertimento Corsica (lancement du CD  Farao) ;
· Athènes, Fremantle (Australie): Concerto pour  saxophone ;
· Paris: un "doublé" de prestige!...Concerto pour  trompette 
· 1/  Salle Gaveau avec David Guerrier -
· 2/ Salle Pleyel, Orchestre Philharmonique,  direction Myung Whun Chung avec Alexandre Baty, diffusion sur France-Musique ; 
· France-Musique : Emission 40e anniversaire par Marc Dumont : « Henri Tomasi, l'humaniste protéiforme ». Œuvres programmées: Concerto pour flûte, Ballade pour harpe, Symphonie du Tiers-Monde, Don Juan de Mañara (opéra), Le Silence de la mer ;
· Boston, Festival d’Aix-en-Provence : Danses profanes et  sacrées
· Marseille :
· 1/ Musique Chambre à  l'Opéra avec l’Ensemble Pythéas (Trio à cordes, etc...)
· -2/ Concerto pour  guitare à Federico García Lorca avec Emmanuel Rossfelder (Opéra) ;
· 3/ Conservatoire:  Cyrnos  pour 2 pianos ;
·  
· Chicago, Berlin, Bâle, Monte-Carlo... Concerto pour  trompette ;
· Stuttgart : Variations grégoriennes (version trompette et  orgue) ;
· Berlin: Concerto pour trombone ;
· Copenhague: Fanfares liturgiques ;
·  
· Corse:
· 1/ Prix Henri Tomasi au Concours  international de Chant lyrique de Canari ;
· 2/ Ajaccio (Cathédrale): Fanfares  liturgiques ;
· 3 Ajaccio (Espace Diamant): Visages d'Henri Tomasi, spectacle théâtral et musical (Quintette à vents de Marseille, Marie-France Arakélian, pianiste, Frank Gétreau, comédien et metteur en scène.

Photos : quelques disques d’Henri Tomasi.

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