Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

lundi, juin 28, 2010

L'OUBLI, TOUCHER DU BOIS


L’OUBLI, TOUCHER DU BOIS
DE
CHRISTIAN RIZZO
Festival de Marseille, 26 juin 2010
Il ne faudrait sans doute pas lire les déclarations d’intention des artistes : une œuvre se juge aux résultats. À lire les unes et voir les autres, c’est la contradiction ou l’inadéquation qui frappe trop souvent.
Le touche à tout couturier venu à la danse, dans cette pièce, vise la « disparition de toute tentation narrative ». Délester l’espace de la « représentation », c’est, dit-il, ce à quoi il aspire : un aspirateur, pourtant, un pot de plantes, un escabeau, des chaises, une penderie, des traversins occupant cet espace, chambre en bois à trois portes, une équipe visiblement de déménageurs qui finiront par la vider, sont des éléments, objets et personnes, trop concrets pour prétendre à l’abstraction, à la disparition d’une discursivité, d’une narration qui saute aux yeux, même niée par l’auteur. Un vieillard sur une chaise, rembobinant patiemment une grosse bobine d’un fil traînant sur la scène alors que des corps tombants sont évacués autant que les meubles, fait trop visible sens, Parque au masculin enroulant ce qu’on ne peut alors qu’imaginer fil de la vie et, forcément, du récit. 
D’autant qu’un inquiétant fantôme ou Fantômas, d’abord entraperçu dans l’entrebâillement noir des portes, qui se  démultipliera au fur et à mesure, jouant joliment avec les ombres géantes, sature de sens cette danse macabre qui a une sémantique fin avec la couverture suaire dont on recouvre le corps fatalement défunt. Un effet très réussi de lumière diminuant de boîte conclusive qui se clôt, semble connoter un cercueil qui se ferme sur la scène de cette allégorie, finalement aussi insistante que celle des autosacramentales du théâtre baroque espagnol. Si l’on n’oublie pas -dans ce qui voudrait dire l’oubli- la symbolique des costumes, (Christian Rizzo
), maillots de couleurs pures, vives, vivantes, puis chemises grises de l’étiolement de la vie, on voit et comprend mal cette prétention à la vacuité de la narration, du sens.
La scénographie (
Frédéric Casanova et Christian Rizzo
) est belle : pure épure en bois, dont on dirait qu’elle est comme une camera oscura de  fuyante perspective renaissante émergeant du noir en guise de lever de rideau si elle n’était si lumineuse d’abord, puis diversement et superbement éclairée des bords de l’ombre à l’éclatant plein jour et retour à la pénombre (Caty Olive). L’ostinato de la musique (Sylvain Chauveau) répétitive (on pense à Phil Glass) comme les gestes et postures, est lancinant comme un inéluctable et sempiternel destin, berceuse morbide, avec des rugissements, des vrombissements et des éclats, et une chanson qui parle, en anglais, des couleurs de l’ombre si l’on comprend bien.
La lenteur des gestes des officiants d’évidement d’un lieu est prenante mais un peu longuette dès que l’on a compris ; les appuis, les portés, les enlacements, dénouements de membres, liés, déliés, de cette sorte de rituel funèbre, souples, fluides, dans ce tempo imperturbable sont beaux, ces amas, conglomérats de corps, saisissants, mais ce mouvement perpétuel devient lassant à force de mécanique répétition du système.
À part la trouvaille d’une sorte d’amorce de pas de deux de tango inverse avec une ombre, dès la seconde partie, on en est à apprécier  la scénographie, les lumières, les ombres, bref, le contexte, dont on se dit qu’il semble meubler le défaut de texte, d’écriture vraiment chorégraphique : la périphérie prend le pas sur le centre qu’on espérait : la danse.
Certes, la danse est l’art du mouvement, mais quand le mouvement prend le pas sur la danse, la danse reste la grande oubliée.
Festival de Marseille, Salle Vallier,

26 et 27 juin 2010
L’Oubli, toucher du bois
de Christian Rizzo, l’association fragile, collaboratrice artistique : 
Sophie Laly.
Scénographie :  
Frédéric Casanova et Christian Rizzo
 ; costumes : Christian Rizzo
 ; 
lumières :
 Caty Olive ; 
musique originale : 
Sylvain Chauveau
.
Interprètes : 
Jean-Louis Badet, Philippe Chosson,
 Kerem Gelebek, Christophe Ives, Wouter Krokaert,
 Sylvain Prunenec, Tamar Shelef.
Photos : Marc Domage.

dimanche, juin 27, 2010

Récital Béatrice Uria-Monzon


BÉATRICE URIA-MONZON,
mezzo-soprano
JEAN-MARC BOUGET,
piano
Récital
Théâtre du Gymnase, 
Marseille ,16 juin 2010,

Marseille concerts a clos sa saison au plus haut niveau : on a rarement l’occasion d’entendre en récital la grande cantatrice qui brûle les planches des grands opéras du monde, incarnant Carmen et autres rôles tragiques de mezzo de sa plastique superbe et de sa sombre voix au timbre charnu, chaudement mais discrètement, élégamment sensuel.
Port aristocratique, beauté altière sans ce nez mutin, ce sourire radieux et ces yeux sombres mais rieurs sous le chignon brun : la personnalité, d’une noblesse naturelle, le personnage, n’occultent pas la personne et sa directe simplicité. Béatrice Uria-Monzon dit son plaisir de se retrouver à Marseille où elle vint se perfectionner au CNIPAL.
Déployant l’éventail de ses possibilités stylistiques, elle débute son récital avec trois airs baroques de Vivaldi, prudemment choisis par la cantatrice qui ne s’y est guère frottée, deux arie di portamento extraites d’Il Giustino, lentes, propres à faire valoir le legato, la tenue de la ligne et le souffle, sages en ornements. Dans le troisième air, « Sposa son disprezzata » de Bajazeto (prêté plus qu’attribué avec certitude à Vivaldi ), à la liaison des grandes courbes et contrecourbes, elle préfère la dentelle entrecoupée, déchirée de chagrin de la ligne, et prête une noble mélancolie à la plainte, où perce, dans la volupté discrète du timbre, la sensualité trahie de la femme délaissée. Tout son art de comédienne, capable de faire vivre d’emblée un personnage à travers la musique, est là. Elle entre dans la musique et dans ses rôles avec une évidence immédiate, sans apprêt.
La même ductilité vocale, le même sens du texte président aux interprétations de deux Ariette di camera de Bellini et, de la bergerette ou pastorale au texte convenu, Torna, vezzosa Fillide, dont elle fait un vrai drame, bouleversant dans ses répétitions, de la séparation.
Avec l’air de Santuzza de cette Cavalleria rusticana de Mascagni, on retrouve la tragédienne saluée déjà ici lors des Chorégies d’Orange, rôle repris cette prochaine saison à Marseille. C’est encore une exceptionnelle Princesse Éboli du Don Carlo de Verdi qu’elle nous donne à entendre et à voir, et nous ne souscrivons certes pas à la malédiction de sa beauté fatale par l’héroïne puisque c’est une bénédiction du ciel pour  l’interprète.
Son partenaire plus qu’accompagnateur, le remarquable pianiste Jean-Marc Bouget, se lance dans la Serenata española d’Albéniz, touche franche, large et légère à la fois, sans rien d’appuyé, d’un hispanisme sans espagnolade, avec des traits limpios, «propres », jamais savonnés comme dans tant d’interprétations trop excessivement coloristes de la couleur locale espagnole.
Sans autre entracte que celui-là, Béatrice revient et, bon sang ne pouvant mentir, dans la tradition des grandes cantatrices espagnoles, de Los Ángeles à Caballé en passant par Berganza, offre une deuxième partie hispanique. Enrique Granados est servi en premier avec trois de ses tonadillas « goyesques », « El majo tímido », « El tra-la-lá y punteado » et « El majo discreto », adorables vignettes humoristiques où sa verve légère, son ironie et sa désinvolture font merveille, avec un piano espiègle et goguenard. Puis ce sont les sombres « Majas dolorosas » où, dans l’expression de la passion et de la perte de l’objet aimé elle laisse libre cours à ce que l’on éprouve comme un sentiment tragique de l’existence, comme disait Unamuno des Espagnols. De Fernando Obradors, délicat compositeur inspiré du folklore espagnol, elle nous régalera des délicieuses Tres morillas, joli zéjel du XV e siècle, du plaisant « Aquel sombrero de monte » et enfin, du fameux « Vito » endiablé.
Pour clore ce récital, belle synthèse franco-espagnole, cette magnifique cantatrice si identifiée au répertoire français, donne en adieu l’air de la Chimène du Cid de Massenet, qu’elle incarnera prochainement à Marseille, « Pleurez, mes yeux », et l’on pleure avec elle, admirant que cette grande voix, occupant avec aisance les grands espaces libres, sache se raffiner jusqu’au soupir dans la confidentialité close de ce petit théâtre.
En bis, cadeau anticipateur de l'année 2012, le grand air de Tosca qu’elle chantera à Avignon , puisque cette superbe mezzo veut se risquer aux soprani. On ne peut certes l’oublier en Carmen primesautière et grave. Mais, en ultime bis généreux, non prévu, elle improvise Granada d’Agustín Lara, pour ténor, se trompe, s’esclaffe, reprend, revient, morte de rire, et la salle avec elle, ravie.
On s’attendait à une diva, une déesse au sens propre, et l’on découvre une femme. Mais belle à tous les niveaux.
Théâtre du Gymnase, Marseille,16 juin 2010
Béatrice Uria-Monzon, mezzo, Jean-Marc Bouget, pianiste,
Récital chant/piano : Vivaldi, Bellini, Mascagni, Verdi, Granados, Obradors, Massenet, Bizet, Puccini, Lara.
 Photos (Crédit : site de Béatrice Uria-Monzon).
1. Carmen, la diva ;
2.  Béatrice, la femme.
3. J. -M. Bouget.

jeudi, juin 17, 2010

Concert de l'Orchestre Philharmonique de Marseille


CONCERT DE L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE
DE MARSEILLE
Opéra de Marseille, 12 juin 2010

Avec un orchestre au mieux, le meilleur des chefs, Klaus Weise, pour une fin de saison en beauté, avant les quartiers d’été, nombreux hors les murs (voir à la fin). Au programme, Wagner et Strauss.
Prélude et mort d’Isolde
Le tempo est lent, le chef a des gestes arrondis et alanguis de vagues et la musique, voluptueuse brume de rêve, se lève, s’élève, évanescente, et monte en houle mollement déferlante, telle une lointaine réminiscence qui tarde à prendre corps, semblant parfois se perdre au loin, mais ombre obsédante, revient, se précise, enfle irrésistiblement comme le désir, émerge, submerge, nous emporte, fiévreuse, tempétueuse, passionnelle. Le crescendo est si bien conduit qu’on s’abandonne amoureusement au fracas, perdant des repères même si l’on a senti le thème du désir, ressenti l’union extatique des corps avant que ne résonne, le cor, le mélancolique accord de Kéréol avant l’apaisement puis la douce et lente remontée de la Mort d’Isolde, ménagée en paliers d’exaltation jusqu’à l’apothéose.

Ouverture et bacchanale de Tannhäuser
Même lenteur qui étonne d’abord mais l’on comprend que le chef dessine détails et ensembles avec un sens aigu de l’analyse qui dissèque, mais de façon délectable, les pupitres, les couleurs, faisant rutiler les cuivres sur des nappes de cordes jubilantes. C’est précis, impérieux, tonique, roboratif et tendre sur la volupté vénusienne des cordes graves. Même dans l’explosion orgiaque de la bacchanale, la frénésie fracassante percussive, pas de dissolution des thèmes frivoles et caressants, capiteux, combattus par les appels et rappels vertueux du thème de la pieuse Élisabeth. Les cordes frémissent en obsédant ostinato et les trilles sont des frissons de chair en folie. De cette ouverture et de cette bacchanale, qui peuvent être la pire des choses, Klaus Weise tire le meilleur, ainsi que d’un orchestre transcendé, enflammé.

Symphonie alpestre, op. 64 de Richard Strauss
1915 : la Grande guerre bat son triste plein et Strauss crée cette joyeuse et lumineuse symphonie, musique à programme pour dire, en notes pittoresques et descriptives, le bonheur d’une ascension vers des pics alpestres et la redescente, après un épisode orageux, vers la paix d’une vallée annoncée par l’orgue et le thème doucement religieux d’une église. La seule tempête, ici, est celle de la nature, et les pizzicati des cordes sont de sensibles gouttes de pluie précédant éclairs des cymbales et roulements de caisse du tonnerre. C’est un flot, un foisonnement des fruits de l’orchestration la plus riche puor dire la nuit, le lever du jour éclatant de cuivres solaires. Il y a les oiseaux, les cloches des vaches, les courants du torrent, les glissandi et glissades et le scintillement du glacier dans des transparences des cordes. C’est rendu à merveille et l’on se sent honteusement heureux tout en se posant la question : peut-on imaginer un Strauss malheureux, troublé, traversant deux guerres mondiales dans la délectation esthétique, sinon éthique, d’une œuvre exaltant la beauté ?

Photos, Christian Dresse :
1. L’Orchestre Philharmonique ;
2. Klaus Weise.

L’Orchestre Philharmonique de Marseille, sous la direction de Friedrich Pleyer donnera un concert pour le Fête de la Musique, le 21 juin, 21h30, Espace Bargemon, Marseille (Mozart, Berlioz, Rossini, Gounod, Saint-Saëns, Tchaïkosky, Verdi).
Le 2 juillet, 21h30, concert gratuit dirigé par Dominique Trottein, Palais Longchamp, Marseille (Beethoven, Berlioz, Borodine, Delibes, Gounod, Lehar, Saint-Saëns, Strauss).
Les 22 et 24 juillet, 21h30, Festival de Lacoste, Jacques Offenbach, La belle Hélène, direction Didier Benetti.

mercredi, juin 16, 2010

HAMLET


HAMLET
Livret de Jules Barbier et Michel Carré d’après Shakespeare,
musique d’Ambroise Thomas.
Opéra de Marseille,
3 juin 2010.
Après soixante-quatre ans d’absence, le nordique Hamlet est revenu hanter, pour longtemps, nos rivages méditerranéens. Être ou ne pas être excellent est la seule question et, ici, elle ne se pose pas tant l’excellence sauta aux oreilles, aux yeux : images, voix et musiques continueront à nous habiter longtemps.
L’œuvre
À la hauteur de cette réalisation, on comprend mieux les difficultés à monter cette œuvre : un rôle titre écrasant pour un baryton pratiquement toujours présent, un personnage d’Ophélie qui ne le cède en rien aux voltiges acrobatiques des héroïnes folles de l’opéra ; deux autres personnages requérant autant présence vocale que scénique, Gertrude et Claudius ; un spectre à voix d’outre-tombe et au moins quatre autres interprètes non négligeables, sans compter un grand orchestre omniprésent et somptueux, nécessitant un chef aussi à cette altitude, des chœurs nourris. Rajoutons la nécessité, aujourd’hui, d’un metteur en scène inventif pour pallier les changements de tableaux en un lieu et scénographie uniques. Autant de défis du grand opéra à la française du XIX e siècle pour avoir la mesure de cette gageure et de cette réussite. Et l’on découvre, honteux rétrospectivement de préjugés partagés sans preuves à l’appui contre lui,  un Ambroise Thomas méconnu, inconnu mais célèbre après avoir connu une célébrité exceptionnelle en son temps.
La réalisation
Le décor unique de Vincent Lemaire, hautes et longues parois d’une froideur de papier glacé angoissant à peine froissé, encore accusé par de longues doubles lignes verticales, que des horizontales ont du mal à rasséréner, gagnées par le bas d’une noire moisissure de ce royaume de Danemark « où quelque chose est pourri » selon Shakespeare, de temps en temps à peine ouvert d’une embrasure de fenêtre sur un néant de nuit qui semble happer le sombre héros, est étouffant, oppressant malgré ses proportions. Selon les lumières dramatiques (Guido Levi), il se teinte d’émotions, vert d’eau maléfique pour la pauvre Ophélie, trace sanglante pour le spectre du roi. 
Un immense portrait du roi défunt, assassiné par son frère Claudius (ici, avec la complicité de Gertrude, la reine, sa maîtresse) de travers, symbolise cette instabilité délétère et criminelle. Le cadre vide de l’être devient miroir ou tableau du paraître, encadrant en mise en abîme les apparences, le jeu de l’illusion du théâtre du monde. L’utilisation des loge d’avant-scène, où se trouveront le roi usurpateur et sa reine complice, puis les fossoyeurs, jouent aussi bien le théâtre dans le théâtre de la pièce. Le spectre descendant des cintres, en perpendiculaire, insecte effrayant marchant sur le mur central,  est saisissant, dans l’esprit de la machinerie baroque. C’est donc, par la seule image, un intelligent renvoi au Baroque de la pièce originelle. Autre belle trouvaille, Ophélie et ses livres comme de minuscules tentes vertes sur le sol, romanesque folle, tel le Chevalier à la Triste Figure presque contemporain rendu fou par ses lectures : Don Quichotte, l’homme d’action qui ne doute jamais,  Hamlet, incarnation du doute, paralysé dans l’action, double incarnation opposée du héros moderne.
Les costumes de Katia Duflot, renvoyant à l’époque de la création de l’opéra, comme d’habitude, sans rien d’ostentatoire, participent de la dramaturgie : austères redingotes et habits noirs et gris, d’une sévérité luthérienne pour les hommes, robes sombres pour les dames qui se teinteront, s’adouciront un peu de lumières moins dures. Gertrude a le rouge du désir et du sang, robe vite ouverte sur dessous noirs de voluptueuse dentelle, et Ophélie, mal coiffée, mal fagotée en vaporeuse robe blanche, lis inverse, nu-pieds, à l’écart, est déjà ailleurs, étrangère à ce monde qu’elle voit de loin. Hamlet, assis sur le rebord de la fosse d’orchestre ou dans l’embrasure de la fenêtre, est lui aussi, ailleurs, mais pas dans le même, spectateur plus qu’acteur, indécis, velléitaire, corrodé par le désir d’une action, d’une vengeance qu’il diffère sans cesse.
Gageure réussie dans un lieu unique : Ophélie ne va pas se noyer dans un étang extérieur mais ici, au milieu de la scène, dans une baignoire ; en faut-il plus à une enfant fragile et gracile pour sombrer dans sa folie et se noyer dans ses larmes ?
L’interprétation
Et quand Ophélie est Patrizia Ciofi, légère comme un moineau au milieu de sombres corbeaux morbides, sautillant, pépiant tout doucement sans jamais s’intégrer à leurs vols funèbres ou bals frivoles, c’est le frisson de la grâce qui passe, dès son mélancolique premier air : doux legato dessinant un flottant horizon déjà lointain. Regards égarés, bras aux envols brisés retombant, désespérés d’étreintes rejetées, sur la pointe des pieds pour atteindre un inaccessible Hamlet dressé comme un roc dans son obsession qui le rend insensible, livre à la main, elle est l’image, et le son idéal, de l’abandon, de la détresse douce et bleutée qui va l’étreindre dans sa brume aquatique. Et tout cela avec cette voix tendre, moelleuse jusque dans l’extrême aigu, jonglant, aérienne, avec notes piquées, trilles d’oiseau, roulades, cadences irréelles, avec un aisance bouleversante qui fait vivre ce sommet de l’art, l’artifice de cette haute voltige vocale, comme tout naturel.
Le baryton Franco Pomponi est, pour le moins, un Hamlet à la hauteur. On s’attend à un personnage frêle, faible,  prince neurasthénique rongé d’un désir de vengeance longtemps inassouvi, paralysé. Mais c’est un  beau ténébreux au timbre chaud, velouté, voix égale et forte capable de fines nuances introspectives, se tirant avec crédibilité de ce rôle écrasant. De sa grande, taille, de sa puissance,  il fait l’image inverse de sa faiblesse, de ses hésitations : comme si toute sa force vitale, dont il joue avec une souplesse de superbe animal, se tournait contre lui, le détruisait de l’intérieur.
Gertrude et Claudius, le couple criminel, sont si beaux qu’on a presque envie qu’ils jouissent du bonheur et de leur palpable volupté dans le crime : leurs étreintes ne trompent pas sur les raisons érotiques de leur complicité. Marie-Ange Todorovitch, sensuelle, voix de feu mal contenu, tissu charnel somptueux du grave et du médium, accepte de malmener ses aigus dans les déchirures du remords, objet presque sexuel de la brutalité sadique du fils révolté dans une scène dramatique très réussie. Nicolas Cavallier, superbe basse, est un amant, élégant, d’une souplesse perverse et insinuante, sûr de la force du désir qu’il exerce sur sa maîtresse, mais d’une belle grandeur abattue dans l’aveu du crime. Planant et pesant sur eux comme l’épée de Damoclès du  remords, Patrick Bolleire, immense, a la voix froide et sépulcrale du spectre. Christophe Berry, ténor, est un Laërte convaincant, touchant Valentin confiant sa sœur à celui qui en fera le malheur. Bruno Comparetti, toujours exact, est Marcellus. Alain Gabriel, Horatio, Antoine Normand, Polonius, ne dérogent pas à cette solide distribution et même Jean-Jacques Doumène et Kévin Amiel campent fort bien deux  éphémères fossoyeurs.
Les chœurs, importants, sont magnifiquement préparés par Pierre Iodice. Mais, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille au mieux, le chef égyptien Nader Abbassi, du début à la fin, de l’ouverture aux interludes si expressifs des actes, conduit sans faille cette riche partition dont il révèle, avec puissance et finesse, des trésors insoupçonnés, qu’on découvre ou redécouvre avec bonheur.

Photos Christian Dresse, légendes, B. P. :
1. Le bonheur voluptueux dans le crime : Tororovitch et Cavallier ;
2. Le roc et l’écume : Pomponi et Ciofi;
3. Lis inverse, Ciofi en Ophélie ;
4. Ophélie et ses livres du rêve;
5. Écume de folie : mort d’Ophélie.



lundi, juin 14, 2010

ZOROASTRE

ZOROASTRE
de Jean-Philippe Rameau, livret de Louis de Cahusac
Théâtre de Lenche


Le petit mais dynamique théâtre de Lenche a toujours veillé à une programmation musicale de qualité. Cette fois-ci, il a fait mieux puisqu’il a confié à l’excellent Ensemble Baroques-Graffiti, dirigé par Jean-Paul Serra, du 12 au 29 mai, des ateliers débouchant, au terme de la troisième semaine, sur la création de Zoroastre, tragédie lyrique, en version abrégée, allégée, réduite à un quatuor de chanteurs principaux et un autre d’instruments. Ces ébauche sont la préfiguration artisanale du projet artistique global pour 2013.

Ateliers Rameau
Les ateliers, du 12 au 26 offraient une approche bien menée vers l’œuvre de Rameau, des « Portrait croisés » entre Baroques-Graffiti avec les Pièces de clavecin en concert, Accordances (Sylvie Colas) intervenant pour la danse baroque et la vidéaste Nathalie Demaretz, chargée de projections pour le spectacle. Le 15, le claveciniste Freddy Eichelberger se chargeait d’évoquer, dans le cadre de « Petites histoires de claviers », le contexte musical du temps (Balbastre, Duphly, etc), lors d’un concert titré  d’un dissonant « Around Rameau » pour le plus français des musiciens. Du 19 au 21 mai, un « Kadéidoscope opéra » permettait en deux fois de se familiariser avec les héros de Zoroastre, les deux couples antagonistes, les bons et les méchants, illustrés par les interprètes. Enfin, le 22 mai, à minuit, la thématique de l’opéra, « Des ténèbres à la lumière », était confiée à la viole de gambe de Victor Aragon et à la musique de Marin Marais. Le 29 à minuit, il revenait à Marine Sablonnière, flûte à bec, de recréer « Le chant de la nature » grâce aux œuvres de Carl Philippe Emmanuel Bach.
Du 26 au 28, cela avait été la création de ce Zoroastre.

L’œuvre
Elle s’inspire des légendes du Zend Avesta, ou plutôt, l’Avesta, livre sacré des zoroastriens, anciens adorateurs de Mazda (comme la pile du même nom !), puis du prophète de l’ancienne Perse, Zoroastre (Zarathoustra de Nietzsche) qui aurait vécu un millénaire avant J.- C., prêchant la lutte du Bien et le Mal, de la Lumière et les Ténèbres qui est en chaque homme, principe antagonique du monde dont s’empareront plus tard les manichéens. Cahusac fera de ces thèmes d’évidents symboles maçonniques qui choquèrent. Créé en 1749 sans succès et refondu en 1756, cet opéra connaîtra le succès dans l’adoucissement du didactisme moralisateur au profit d’une intrigue amoureuse plus banale : quiasme amoureux entre le ténébreux Abramane qui aime la lumineuse Amélite qui aime le solaire Zoroastre, vainement aimé par l’ombreuse Erinice. Bref, le mal, l’Ombre aspirent finalement au Bien, à la Lumière.

La réalisation
Faute d’effets baroques, de machineries complexes aujourd’hui impensables, la bonne idée était de confier à des « graffeurs », peintres de ces graffiti chers à l’Ensemble Baroque-graffiti, ici le talentueux collectif L’Artmada, le soin de projeter, avec la vidéaste Nathalie Demaretz, des images faisant office de décor. On est saisi, d’entrée par ces stries sombres qui zèbrent le fond sur l’ouverture dramatique et maléfique, orageuse, de la musique. Le problème c’est que la musique s’apaise sans que les « graffes » agressifs calment leur rythme, même lors des récits, en sorte qu’on a le sentiment de deux tempi qui ne se rencontrent que rarement,  sans qu’on puisse même parler de contrepoint signifiant, musique et images jouant « perso », sans qu’on y sente un sens convergeant ou même divergeant. En effet, il y a tant d’images, qu’elles dispersent l’attention et, les couleurs et les sons ne se répondant pas, elles créent un effet assourdissant  qui parasite la musique. Ne jouant pas dans son sens, elles jouent contre elle ; des projections de « graffeurs » peignant des murs, illustrent parfaitement cela : ils tournent le dos, à la musique, à l’action. Si bien que, malgré de belles images (portraits, tableaux…), on  éprouve la sensation d’un immense remplissage à tout prix qui trahit une défiance envers la musique comme si elle était incapable de remplir, à elle seule, l’espace et le cœur.
La minimale minimaliste mise en espace de Renaud-Marie Leblanc, qu’on a connu plus inspiré (Ceux qui partent à l’aventure), est inaudible dans ce tintamarre visuel. Certes, il s’agissait là d’une présentation provisoire. Une vraie mise en scène devrait se serrer autour du conflit ombre/lumière, Bien/Mal maçonniques, ici noyé dans tous ces effets extérieur qui, par ailleurs, semblent indifférents au contenu dramatique de l’œuvre qu’il faudrait accuser au contraire pour dire la filiation jusqu’à La Flûte enchantée de Mozart.

L ’interprétation
La réduction pour quatre instruments, cordes frottées et pincées, violon (Sharman Plesner), viole de gambe (Christophe Oudin), violone et contrebasse (Jean-Christophe Deleforge) de Jean-Paul Serra (clavecin), est respectueuse, subtile et rend bien l’orchestre si harmoniquement coloré de Rameau : étoffée  de quelques vents et d’un autre violon, c’eût superbe mais l’espace réduit de Lenche ne pouvait le permettre.
Groupés autour du chef Serra, cela sonne bien, avec une belle cohésion chambriste. Mais, effet de tant d’images qui meublent à satiété ? on a l’impression, parfois, que les chanteurs sont livrés à eux-mêmes, et l’on a senti quelques difficultés pour ces interprètes.
Du quatuor de chanteurs se détachent une basse puissante et expressive en Abramane, Geoffroy Buffière,  bien formé à l’école du CNIPAL, en Amélite, une soprano, Eleonora de la Peña, adorable petite poupée, petit Tanagra de vingt ans, avec une voix en devenir déjà très belle, devant gagner en onctuosité, qui ira loin si elle résiste au danger de sa facilité qui expose son timbre. Elle fait un joli couple avec Vincent Lièvre-Piacard, haute contre (ténor aigu à la française) plein de charme, de douceur, peut-être trop en Zoroastre dont lui manque la grandeur héroïque, accusant quelque fatigue à la fin. La mezzo, Yukimi Yamamoto en Érinice, le personnage peut-être le plus intéressant de ces rôles conventionnels, délicate et émouvante, est desservie par la langue, pâtit en projection vocale.
Mais sans doute faut-il laisser à ce spectacle, à la belle ambition, le temps de se rôder, de s’installer.
Photos : Touhid Ster :
1. Ensemble Baroque-Graffiti ;
2. Les deux héros solaires : Eleonora de la Peña et Vincent Lièvre-Piacard ;
3. Les héros de l’ombre : Yukimi Yamamoto et Geoffroy Buffière.
4. Au fond, graffiti assagi.

Ateliers et Zoroastre de J. Ph. Rameau ;
Théâtre de Lenche, Marseille, du 12 au 29 mai.

jeudi, juin 10, 2010

Heure du thé de mai

 L’HEURE DU THÉ DE MAI


Opéra de Marseille
Une étoile est née
Une autre dirait-on, de la jolie constellation que le CNIPAL, le Centre National d’Insertion Professionnelle d’Artistes Lyriques de Marseille a déjà mis en orbite dans le monde de l’opéra : le Coréen Ji Hyun Kim, qui sortira de cette solide école pour rejoindre les prestiges de Covent Garden où tel autre de ses condisciples l’a précédé l’an dernier. On déjà eu l’occasion de dire les mérites de ce jeune ténor non seulement doté d’une belle voix lumineuse, souple, égale sur toute sa tessiture, mais doué d’une capacité émotionnelle rare, directe et sensible sans rien forcer, avec un naturel absolu. Il faisait ses adieux à ce public qui l’adore dans un programme de zarzuelas très vocales et, en seconde partie, d’extraits de comédies américaines et, avec le même bonheur , il passe des unes aux autres, d’un accent à l’autre sans problème, bouleversant Tony de simplicité poétique dans West side story de Berstein.
Il est vrai qu’il ne pouvait qu’être inspiré par sa jolie partenaire en Marie, Erminie Blondel, sourire rayonnant, soprano franco-américaine au timbre satiné, semblant être chez elle dans cet univers de Broadway, sachant plier sa voix lyrique aux rêves et aveux murmurés de The man I love de Gershwin, avec ce qu’il faut d’abandon langoureux, de nostalgique sensualité. À un petit « serrage » près dans l’attaque des redoutables gruppetti de l’air  « De España vengo » du Niño judío de Pablo Luna, vite rattrapés, elle se montra également fort à l’aise dans les zarzuelas, affrontant vaillamment, malgré un trac sensible, les terribles pièges techniques de la musique vocale espagnole, agrémentés agressivement d’une vocalité rossinienne parodique dans la cadence du fandango « Me llaman la primorosa » du Barbero de Sevilla de Gerónimo Giménez y Bellido.
Troisième comparse, et nouveau aussi comme la soprano, le baryton Benjamin Colin a la chance d’une voix solide, pleine, très personnelle par le timbre, assortie à un physique à la gouaille sympathique, avec quelque chose de picaresque qui convient en couleur à la musique espagnole. Il se tire fort bien des roulades à pleine voix de ce style pas tellement aisé, qui ne permet pas la tricherie. Il accompagne plaisamment d’une peu hispanique mandoline sa jota du Guitarrico, la petite guitare,  d’Agustín Pérez Soriano. La comédie américaine semble tout aussi bien convenir à son genre de personnage et de voix
Bref, on aura autant de plaisir et de curiosité à entendre les deux nouveaux qui restent que de regrets pour celui qui part mais que nos vœux accompagnent. Mais cette dernière Heure du thé de la saison, savourée avec plaisir, n’eût pas été complète sans la pièce que Nino Pavlenichvili, accompagnatrice attentive, offrit, l’Hommage à Albéniz de Rodion Shchedrin, ou plutôt, Chtchedrine, compositeur russe (1932), époux de la célèbre danseuse Maïa Plissetskaïa, œuvre dans l’humeur et l’humour du  complexe compositeur espagnol mais hérissée de rythmes brisés, de grappes terribles de notes, dont la pianiste slave se tira avec une aisance toute hispanique.


M’aimez-vous bien, le prochain spectacle de la promotion Villazón en représentation à l’Opéra-Théâtre d’Avignon le 4 juin 2010, le sera au Théâtre de Mérignac le 22 et à l’Opéra de Marseille le 25 juin 2010.
L’Heure du thé
Opéra de Marseille, 20 et 21 mai, récital repris à L’Heure exquise de l’opéra de Toulon le 27  et à  L’Aper’Opéra d’Avignon le 29 mai.

Photos : 
1. Blondel;
2. Kim;
3. Colin;
4. Pavlenichvili. 

dimanche, juin 06, 2010

Beethoven à La Magalone

 
Benito Pelegrín
Concert Beethoven
par
l’ensemble Pythéas en trio
La Magalone
Le 7 mai

Il y  a des lieux privilégiés où la musique se love en un acte d’amour. La belle Magalone en son parc, harmonieuse bastide entre XVII e et XVIII e siècles, façade et fronton classiques avec des réminiscences baroques à l’intérieur, face à la toujours moderne « Cité radieuse » de Le Corbusier, est de ceux-là. Son vaste vestibule d’entrée, scandé de deux majestueux escaliers symétriques, est une sorte d’ancien salon, parfait en salle de musique pour un public d’une centaine de personnes : on y retrouve l’atmosphère et la proportion exacte des concerts d’autrefois. Entre deux siècles aussi, entre encore les fièvres du Sturm und Drang qui vont devenir les frénésies du romantisme, et le classicisme, avec l’architecture hallucinée de sa musique qui annonce le futur, le Beethoven chambriste y est chez lui. L’ensemble Pythéas, en trio, en donna une belle démonstration.
Trois pièces pour ce concert, toutes trois dans des tonalités majeures et des tons d’une sérénité solaire, souvent d’un enjouement et d’une joie contagieuse : un Beethoven sans tourment. La lumineuse Sonate pour violon et piano en la majeur, opus 47, « À Kreutzer », ouvrait le programme. Les instruments ont une âme et une voix : celle de ce piano étonne d’abord, puis, après qu’il entonne un moment, séduit, plus rond, qu’agressivement percussif, chaud, couleur ambrée, aimablement domestiqué de maîtresses mains par Marie-France Arakélian. Dans un tempo sans faille, elle arrondit les longues courbes graves, ondes que le volubile violon ailé de Yann Le Roux-Sèdes en angles, crête de lumineuse écume ou zèbre, zézaye, gazouille, dans un doux duel qui cherche le duo de l’harmonie de deux voix en amoureuse compétition : à trilles du piano, pizzicati du violon, course, séparation, poursuite, rage, orage de passion, bouillonnement, dialogue du grave et de l’aigu alanguis de voluptueuses retrouvailles apaisantes. Cavalcade, vélocité jubilante du dernier mouvement dans la complicité souriante des deux interprètes.
En un seul mouvement, le Trio pour piano, violon et violoncelle en si bémol majeur, WoO 39, adjoint un nouveau compère aux deux artistes, Xavier Châtillon, violoncelliste. À la franchise de la touche d’Arakélian, les cordes frottées apportent leur douceur d’estompe, le violon en auréole, le violoncelle en charmeur soubassement ombreux. De plus d’envergure, le Trio pour piano, violon et violoncelle en mi bémol majeur, opus. 70 N° 2, se déploie en quatre mouvements où dominent allegro et allegretto et permet à chaque interprète des moments solistes où il émerge, se lance dans des cadences tandis que les autres se concertent, commentent, tentent leur tour puis se retrouvent en forces vives. La voix du violoncelle de Chatillon devient du miel, doucement acidulé par l’aigu du violon tandis que le  sillage du piano scintille sur les légers panaches des cordes. Largeur du son, générosité du don de trois en un de ce magnifique trio.



Photo:
L'Ensemble Pythéas.
Première dame à gauche,  Marie-France Arakélian; violon au centre, Yann Le Roux-Sèdes; violonelle à droite, Xavier Chatillon.

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