Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

jeudi, mai 24, 2007

MIREILLE

MIREILLE

Charles Gounod, livret de Michel Carré d’après Frédéric Mistral
Opéra de Toulon

Préjugés
Les Pêcheurs de perles de Bizet sont peu joués : à tort, Avignon vient de le prouver ; Mireille est rarement représentée : à grand tort, Toulon le démontre. Dans le jeune élève comme dans son maître Gounod, même invention mélodique jaillissante, au service, dans les deux cas, d’amours contrariées, par les tabous religieux dans l’Inde du premier, dans les interdits familiaux, sociaux, du second : dans les deux cas incarnés par le Patriarche, le pouvoir despotique mâle, un prêtre là, un père ici. La noirceur du soleil du midi.
La pauvre Mireille (1859) pâtit d’un préjugé : œuvre d’un Parisien, Provençal de passage, touriste superficiel, qui fait parler en français les Provençaux ; s’il utilise des rythmes locaux (farandoles), il n’use pas de motifs folkloriques. Mais si la Carmen de dix ans postérieure emprunte des mélodies à l’Espagne (Habanera d’Iradier, polo de Manuel García, père de la Malibran et de Pauline Viardot, la séguedille), les héros ibériques s’expriment en français châtié, Bizet n’est pas pour autant allé dans le pays, mais il est vrai que Mérimée, dont est tiré le livret, a une connaissance profonde de l’Espagne.
Gounod prit au moins la peine de s’installer à Saint-Rémy, d’y passer trois mois auprès de Mistral lui-même, pour trouver l’inspiration locale, sinon de la musique, de l’œuvre. On reconnaîtra que dans un air de Mireille, ses exclamations répétées : « Ah, c’Vincent ! » ne font pas très arlésien du cru, à moins que cette demoiselle bien n’ait reçu une éducation bourgeoise à la parigote, dédaigneuse du parler local. Ceci dit, la Provence de cette Mireille (1864) n’est pas plus artificielle que la langue provençale, géniale mais artificiellement recrée par Mistral pour sa Mirèio, le vrai provençal étant depuis belle lurette rétréci en patois par l’hégémonie impitoyable du français, ce que le poète reconnaît lui-même dès le début en avouant son dessein de dignifier cette « langue méprisée », en l’adressant aux Provençaux :
« car nous ne chantons que pour vous, ô pâtres et habitants des mas ».

Mais, même si Mistral était malheureusement nationaliste, fort heureusement, la culture n’a pas de patrie et personne ne reproche à Alphonse Daudet, plus Parisien que Nîmois, ses délicieuses Lettres d’un moulin plus rêvé que vécu. Ceci dit, Madame Mistral fit mettre l’opéra en provençal en 1914 (fatale année des nationalismes meurtriers) qui eut un grand succès à Marseille et dont un disque (piano) existe…en Australie.

La réalisation
Passons sur un rideau de scène un peu négligé, un trou dans des lignes de lavandes outrancières avec vue sur les Saintes-Maries-de-la-mer stylisées. Les décors et les costumes de Poppi Ranchetti sont mieux venus ensuite : des couleurs de fonds impressionnistes indéfinis (peut-être Monet), des lavande, bleu, rose, lie de vin, violet, roux, marron, comme crayonnées au pastel, sur lesquels se détache, issue de la masse, une façade rousse côté cour, puis, côté jardin à l’acte II, dans une indéfinition à la Sisley, les menaçantes arènes d’Arles de la barbarie humaine enclose. A la fin, l’intérieur de l’Église des Saintes dans des teintes rougeâtres luminescentes, a l’onirisme rutilant des peintures symbolistes de Gustave Moreau, exaltées par les lumières surnaturelles de Jacques Châtelet. Sur la place en pente, qui tient de l’agora ou du forum où se déploient les chœurs témoins du drame comme dans la tragédie antique, les costumes traditionnels sont picturalement mis en valeur : robes couleur lavande clair, rose fané, jaune, safran, orange en dégradés délicats, hommes en pantalons et gilets sur chemise, le père en costume sombre, lacet noué au cou, canne, lunette et chapeau du propriétaire terrien, classé par sa mise et sa mine austère.
Dans cet opéra très choral, femmes et hommes séparés, puis unis dans le drame, aux beaux ensembles bien tenus (Catherine Alligon) les masses sont plastiquement distribuées dans ce large espace public, sans confusion avec tout le savoir-faire que l’on connaît à Paul-Émile Fourny.
Sa mise en scène, travaillée dans le jeu des chanteurs, met en valeur, dans cet ensemble terrible du poids du regard d’autrui, les individus : ainsi, parmi les femmes, Taven la « sorcière», ou plutôt la femme marginalisée par une société impitoyable. On se réjouit qu’il n’ait pas fait de cette victime de l’exclusion, une très vieille femme reléguée, lourde en ans et en voix : Anne Pareuil, contralto, lui donne son timbre d’ombre mais aussi de soleil, une dignité de prophétesse antique avec cette ligne de chant aisée, large, égale, noble ; Mireille la révoltée est peut-être son passé non conformiste qu’elle paie de ce bannissement social. Ainsi, sa connivence avec la fraîcheur de la jeune fille est la logique de deux âmes sœurs au-delà de la différence de classe, plus peut-être qu’avec Clémence, joliment incarnée par Sonia Morgavi .
Mireille, c’est Ermonela Jaho : plus que belle, elle a un charme immédiat, gracieux, souriant, une intelligence du texte et de la musique qui en font un tout admirable, Albanaise qui pourrait donner des leçons de diction française. De ce rôle terrible, qui réclame pratiquement deux voix de soprano, elle se tire sans effort : elle a un air à chaque acte, léger à l’acte III (« Heureux petit berger ! »), mais avec une exclamation aiguë qu’il faut attraper, dramatique au dernier : écrasant. Sa tessiture, si elle n’est pas dramatique, remplit bien l’emploi, surtout avec cette musicalité, cette justesse et cette jeunesse admirables, grande actrice de surcroît. On découvre en Florian Laconi un Vincent sonore, solaire, émouvant, rayonnant. Le sombre Ourrias, le belluaire bellâtre et belliqueux, c’est Marc Barrard, dont on s’évitera la banalité de dire qu’il est actuellement l’un des meilleurs barytons lyriques, doublé d’un acteur passionné et passionnant. Voix rude aux arêtes aussi tranchantes que ses idées patriarcales ancestrales (« Un père, est toujours un père, un homme est toujours un homme… », Christian Tréguier est moins le père noble que le tyran domestique en Ramon. À l’opposé de la caste, Jean-Marie Delpas, en quelques répliques, a la dignité du pauvre honnête cloué dans son rang cher à la société bourgeoise de ce temps mais sa fille Vincenette, (timbre fruité, Isabelle Obadia) laisse percer des velléités d’évasion. On saluera le pâtre délicieux de Maud Ryaud et l’on applaudira la fougue et la délicatesse d’Alain Guingal à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon Provence-Méditerranée, qui fait honneur à l'œuvre qu'il sert. Succès mérité.

13 mai

Photos, ©Khaldoun Belhatem
1. Mireille au panier ;
2. Les couples se forment : Mireille et Vincent ;
3. Final tragique aux Saintes.

Pari sur scène


PARI SUR SCÈNE

De Gérard Blua
Théâtre de Tatie, Marseille

Sur scène, un monologue est toujours un pari et Blua le sait bien qui l’annonce d’entrée de jeu : le jeu et la couleur. Une seule actrice, Laurence Briata, qui se met elle-même en scène : même aidée d’un assistant, Stéphane Alzac, le pari est encore plus grand.
Le texte, parfois drôle mais surtout mélancolique, est une sorte de réflexion débitée par une vague ménagère, téléphoniste : donc, qui entend des voix. Qui voit des visages, qui nous dévisage, lumières allumées, renversant les rôles, se faisant spectatrice des spectateurs. Question bêtement et humainement existentielle : qui est-elle et qui sommes-nous au fond dans ce théâtre de la vie, de l’envie ? Allusive interrogation, réponse effleurée, miroir trop vite tendu et trop vite voilé. C’est elle qui se dévoile : non dans l’être non plus, quoiqu’elle dise, toujours incernable, mais dans ce qu’elle prétend paraître : une godiche, une potiche, une cruche qui ne sait même pas crécher, ce qu’on sait même dans une crèche qui eut tout de même des résultats charnels palpables en dépit du Saint-Esprit.
Et c’est là que le bât blesse : la comédienne est remarquable et son travail digne d’être remarqué (malgré quelques baisses de tension, quelques trous et des noirs trop systématiques). Elle fait vivre le texte dans ses plis et replis, dans sa ponctuation, mais on sent plus un travail ponctuel qu’une ligne générale. Mais, surtout, elle est trop pleine de vie pour jouer cette femme pleine de vide ; de sa personne, elle a trop de consistance, de voix, de couleur, de corps, pour être ce personnage inconsistant, atone, couleur muraille, abstrait. Elle est trop battante pour faire croire à cette femme abattue sinon battue, perdante. Une heure durant, elle tient la scène, tient la route : pari tenu sinon entièrement gagné.
22 mai

Théâtre de Tatie, 19, Quai de Rive-Neuve
Marseille 13007.

Le 29 mai et tous les mardis à 20h45 pendant le mois de juin.
Tarifs : 14 et 16 €
Tél : 06 23 82 36 62

mercredi, mai 23, 2007

12 e Festival de Danse de Marseille

DOUZIÈME FESTIVAL DE MARSEILLE
(19 juin-13 juillet)

Génie des lieux

L’esprit souffle où il veut, mais un festival ne se pose, ne s’impose pas partout impunément. Il faut une impondérable rencontre entre un lieu et l’art qui prétend l’habiter, même l’éphémère temps estival d’un festival : il y a des lieux qui refusent, repoussent ; d’autres qui invitent, accueillent et adoptent. Le Festival de Marseille, plus précisément de danse (d’autres arts manquant à l’appel) nicha longtemps dans l’écrin rose de la Vieille Charité puis nidifia dans d’autres lieux et, enfin, le Parc Henri Fabre : à l’évidence, à la danse, déjà préparé par le BNM, ce lieu n’attendait que le Festival pour prolonger, sur sa pelouse et les moelleuses frondaisons de ses arbres, bercés par la brise de mer ou même agités par le mistral, la volupté mouvante et émouvante de l’art premier et sophistiqué de la chorégraphie.
Mais pour ce douzième Festival, je ne veux retenir ici que deux lieux, symboles profonds de cette ville à mes yeux, où me semble se manifester l’instinct profond qui lie la Directrice Apolline Quintran et notre cité, la Sucrière Saint-Louis et le cercle des Nageurs : la pierre et l’eau, l’intérieur de Marseille et sa bordure littorale, le quartier ouvrier et son quart bourgeois, l’étrave d’un navire pointée vers le large et ce creux secret et sucré des Raffineries de sucre. Phocée, venue de la mer et Massalia, l’hôte et l’hôtesse, Gyptis et Protis : union indissoluble ; canne venue de la mer, devenue sucre dans ce portuaire quartier nord jadis prospère et industriel, aujourd’hui ruiné puisque cette dernière industrie, ultime agonie, vit ses derniers jours en ce moment même.

Sucrière
À la Sucrière, pour 6 euros, une qualité qui n’a pas de prix : des concerts, du ciné, toujours du plus haut niveau. Cette année, Moraíto Chico et Luis el Zambo apporteront la touche flamenca qui sera illustrée, nuit tombée, par Los Tarantos, un film qui suit à la trace, trace et retrace, par des images diverses, l’art à son sommet de l’aristocrate gitane de la danse, Carmen Amaya, avec une apparition d’Antonio Gades qui sortit le flamenco des tablaos pour le porter sur les grandes scènes et dans les grands ballets (11 juillet). Mais on pourra d’abord s’amuser des facéties musicales insolites, éclectiques et hétéroclites, jazz, rap, funk et soul du Guru’s Jazzmtrazz, couronnées par le film Block Party, qui débloque joyeusement, partisan du hip hop sans hoquets, sauf de rire (10 juillet). Même heure (21 h) et même lieu, ensuite (13 juillet), on ira saluer Lura, cette chanteuse capverdienne, dans la lignée de Cesaria Evora, ces dignes héritières du fado portugais dont la langueur nostalgique serait vivifiée, vitaminée par la vitalité rythmique et l’optimisme africains : par le métissage, dont le film qui suivra, Nha Fala, en musique (Manu Dibango) montrera la réjouissante jouissance : la danse jouissive de la vie.

Cercle des Nageurs
Le Cercle des Nageurs, dans cette pointe des Catalans dont le nom évoque le syncrétisme culturel de Marseille, n’est pas que le haut lieu des élégances nautiques bourgeoises des Marseillais qui peuvent en arborer l’onéreuse carte : c’est aussi en son sein, dans son bassin, que furent formés nombre de champions qui honorèrent leur ville et la France. C’est en ce lieu mythique que, 20 ans après sa création, se retrempera pour une nouvelle vie, la chorégraphie aquatique, le mythe, ce Water proof ,‘imperméable à l’eau’ mais pas au flot de l’émotion, du Marseillais Daniel Larrieu. À quoi rêve, « aquarêve » Larrieu ? Retour de l’homme à ses origines aqueuses, amphibies ? Si la danse est déjà une lutte contre les limites de notre nature, contre la pesanteur, si elle a des rêves d’envol, Larrieu la fait voguer sur des rives de rêveries d’évanescentes évasions des événements du temps, songe apnéique d’apesanteur que nous éprouvons en nageant : le corps a l’abandon d’un fil foulard de soie suspendu dans l’eau calme… (19 et 20 juin 22 h)
À ces deux lieux symboliques de Marseille, j’ajouterai un jeu emblématique : le foot, devenu aussi identité phocéenne, que l’on pourra apprécier au Grand studio du Ballet National de Marseille (27 juin, 20 h), intégration stylisée au monde de la danse, même si la chorégraphie de Rigal et Bory, Arrêts de jeu, se fonde non sur la Coupe du Monde, mais sur le souvenir cuisant de la demi-finale du Mondial de 1982 à Séville.

Autres lieux
Pas pour autant communs, puisque l’Auditorium du Pharo, La Criée, le Studio Kéléménis, l’Alcazar, le MAC, s’ajoutent aux précités et, au cœur de la cité, sous l’Hôtel de Ville, le nouvel Espace Bargemon, pureté géométrique contemporaine adoucie des restes patinés de l’antique Vieux-Port, qui accueillera le futur virtuel d’une navigation interactive en 3D durant tout le Festival, avec entrée libre comme le vent.
À chacun de ces lieux, ses spectacles (plus de 25 et une quinzaine d’autres manifestations) dont je parlerai en leur lieu et temps. Selon le temps.

Tarifs : de 5 € à 27 €
Réservations :
www.festivaldemarseille.com/billetterie_en_ligne
Par téléphone : 04 91 99 02 50
du Mardi au Samedi de 11h à 18h ;
À partir du 18 juin du Lundi au dimanche de 11h à 18h ;
Magasins Fnac, Carrefour, Géant, Office du tourisme et des Congrès, Espace Culture.

Lieux centraux du Festival
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(Extraits d’autres articles de B. P.)

Vieille Charité
Oui, la Vieille Charité, sa rare pierre rose, aujourd’hui épuisée, de l’Estaque et Carro ; les multiples paupières rêveuses des arcades aveugles, avides de regard sur la chapelle Puget, ovoïde coupole baroque sur le théâtre intérieur des colonnes serrées. Mais goûtons la douceur de la Sucrière Saint-Louis où le Festival se décentralise à populaire prix. Humble écrin au cœur du quartier nord : un parc fleuri sur une colline et, en creux, un modeste et moderne théâtre à l’antique, au pied de l’austère forteresse des Raffineries de sucre où des arbres anciens, témoins d’amère et amène mémoire ouvrière marseillaise, semblent veiller encore sur l’immense et désormais inutile gare de triage d’Arenc d’où les rails infinis partent pour nulle part.
(Paru in Contours Magazine, N°2, 2003)

BNM et Parc Henri Fabre
Il est vrai que l’austère bâtiment de Roland Simounet, disciple de Le Corbusier, qui abrite le BNM, envisagé frontalement dans sa longueur déséquilibrée laisse d’abord architecturalement perplexe. Mais contemplé en perspective de biais dans son léger dénivellement d’étages, cet alignement bas de cubes blancs, posé sur le vert de la pelouse, a le charme hermétique d’une épure mathématique parfaitement adaptée à un ciel, une région, un lieu, sans défigurer de hauteurs arrogantes la pure géométrie méditerranéenne. Et, dans ce vaste parc où mènent comme à une secrète oasis deux allées perpendiculaires du Prado, à la musique muette de pierre de l’architecture de la Vieille Charité et à l’architecture musicale de la danse a succédé et s’est ajoutée la chorégraphie naturelle des arbres immenses, autour de la majesté d’un micocoulier géant. Ce lieu avait le Ballet National de Marseille en ses murs et semblait attendre la danse en son jardin.
(Paru in La Revue marseillaise du théâtre, N° 9, 2005)

Parc Henri Fabre
Avenue de micocouliers du Prado, allée de lauriers-roses sur fond d’arbres ombreux du Boulevard de Gabès et l’on débouche en flânant dans le Parc Henri Fabre, une généreuse oasis, un écrin de verdure où le Festival de Marseille perdure crânement depuis deux ans, épanoui nonchalamment sur les vastes pelouses familières, ornées d’enfants et de familles, où le BNM étale le géométrique jeu de ses dés ou de ses cubes : lieu de création et de récréation, fleuri de quelques tentes, une succulente guinguette et un poétique jardin exotique qui s’éclaire la nuit quand s’allument les étoiles et les lanternes chinoises menant à la vaste scène où régnera la chorégraphie.
Le Parc Henri Fabre est en passe de devenir pour la danse ce que le Parc Florens de La Roque d’Anthéron est pour le piano : au milieu des arbres séculaires, le lieu miraculeux des noces de la nature et de l’art. Oui, il n’est de festival que de cette rencontre entre un lieu qui se sacralise par cette osmose mystérieuse entre la nature stylisée de l’art et celle de l’art naturel à peine peigné par la main de l’homme. Accueilli de la sorte, on est prêt à accueillir le travail des artistes.
(Paru in La Revue marseillaise du théâtre, N° 18, 2006)

Photos
(crédit Festival de Marseille):
1. Mmm…
(Stravinsky Project Part 2)
2. Lura
3. Water proof.

Photos 3, 4, 5 :
La Vieille Charité, La Sucrière, BNM Parc Henri Fabre :
copyright G. Ceccaldi.

mardi, mai 22, 2007

L'heure du thé

L’Heure du thé

Dernière Heure du thé de la saison avant le spectacle ultime de l’année. Déjà, avec un pincement au cœur pour nous mais joie pour eux, nous regardons et écoutons ces jeunes chanteurs qui nous ont apporté du bonheur et que leur destinée appelle à prodiguer leur art sous d’autres cieux, à d’autres cœurs : leurs qualités ont été reconnues et beaucoup vont commencer ou continuer la belle carrière que leur talent mérite. Nous les saluons et remercions tous ici, même les absents, sans oublier l’efficace et sympathique équipe du CNIPAL (Centre National d'Artistes Lyriques) qui nous a généreusement offert, à travers ces chanteurs, quatre siècles de musique en 41 compositeurs.
Au programme, diverses formes lyriques et opéra français en première partie et, en seconde, des mélodies et des opéras russes.
La sombre basse Tomislav Lucic étant malade (grandeur et misère de l’instrument humain), c’est la belle Eugénie Danglade, déjà appréciée, qui prêta improntu son riche timbre satiné de mezzo à la coquette Olga d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski, avec une tenue scénique intense, contenue, faisant vivre un regard de glace bleue et de braise : on aurait aimé l'entendre plus. Dans le rôle de son malheureux fiancé avant le fatal duel, le tendre poète Lenski, héros tragique, le ténor Marc Larcher, fit passer une sensible émotion, moins élégiaque que charnelle et humaine, vibrant d’amour lumineusement aigu, de virile révolte puis de sombre abattement ou résignation. Auparavant, il nous faisait partager son rêve clair de des Grieux de la Manon de Massenet et l’exaltation en rien morbide, mais vitale, puissante et aisée d’un Werther qui porte la vie en lui et que seul un accident ferait sombrer dans l’ombre dépressive de la mort, approches joliment personnelles des héros romantiques malheureux.
Olivia Doray, si elle n’est plus une découverte, on a l’impression de toujours la découvrir, telle est la variété de ses facettes à l’image sonore des nuances variées de sa voix de soprano, du tissu harmonique de son timbre irisé. Convaincante Thérèse, féministe révoltée des Mamelles de Tirésias, fantaisie débridée de Poulenc-Apollinaire, elle passe de l’humour ravageur mais toujours gracieux à la mélancolie repentante de la Jacqueline du Fortunio de Messager, avec une grande intériorité et, avec le même bonheur, nous fait voguer vers les rives de la Volga des rêveries féeriques de Rimski- Korsakov ou des mélodies si lyriques de Rachmaninov : évidence, présence scénique ravissante, rayonnante, voix qui sourit, aigu radieux.
Aline Martin, en quelques répliques, avait laissé entrevoir la beauté de sa voix dramatique de mezzo dans Rigoletto. En récital, ses qualités vocales sont manifestes : puissance, couleur, rondeur, égalité des registres, aisance. Mais on découvre aussi ses dons scéniques : elle est une prenante et pathétique Dame de Monte-Carlo de Poulenc dans ce long récit qui serait comme une suite onirique à La Voix humaine, la femme entretenue abandonnée livrée à l’ivresse désespérée du jeu et de la ruine. Elle fera frémir aussi l’ombre angoissante de l’étrange et morbide épithalame, chanson de noces, scandé par un rythme fatal, que Pauline, pleine de pressentiments, chante à son amie Lisa dans La Dame de pique de Tchaïkovski. Mais, adultère frustrée, elle se révèle pleine de picaresque mordant contre ses amants dans l’irrésistible Concepción de L’Heure espagnole de Ravel. Avec la complicité farceuse de Marc Larcher, Aline monte un degré de la drôlerie dans l’inénarrable duo de L’Enfant et les sortilèges de Ravel-Colette, duel cocasse, à la casse, à la fracasse entre la tasse et la théière aux incompatibles porcelaines anglaise et chinoise, aux langues sans filtre, franglais-chinoâ et aux compatible pas de danse des deux joyeux chanteurs.
Les pianistes du CNIPAL, on l’a déjà dit, ne sont pas de simples accompagnateurs mais des partenaires remarquables des chanteurs : Nino Pavlenichvili, si présente dans tout le programme, le prouva amplement avec les quelques Moments musicaux Opus 16 de Rachmaninov dont elle nous gratifia de sa touche large, généreuse, puissante, rêve profond, au sombre arrière-plan lancinant du N° 3 puis dans l’aérien, vaguement flottant d’ondes nuageuses, du poétique N° 5 : beaux moments en vérité.

11 mai 2007

Photos M@rceau
1. Marc Larcher
2. Olivia Doray
3. Aline Martin
4. Saluts : Doray, Martin, Danglade, Pavlnichvili, Larcher.

Du costume au théâtre aujourd'hui

TAILLER DES VESTES…

Pour l'homme aux rubans verts… ( Molière)


Suprême élégance : être à l’aise partout, en smoking ou costume d’Adam. Si le débraillé règne aujourd’hui en maître parmi les spectateurs d’un théâtre qui a perdu sa valeur sacrale de célébration rituelle d’une société, qui n’a plus le sens du sacré mais celui du consacré, on éprouve cependant un certain malaise à le voir installé sur scène. Si l’ennui naquit un jour de l’uniformité, que peut naître de l’uniforme qui règne depuis des décennies sur la scène en matière de costume? Voilà plus de quarante ans que, sous prétexte de nous les rapprocher, de les moderniser, on nous joue les œuvres d’hier en vêtement d’aujourd’hui .

Petite panoplie vestimentaire
La surprise anti-conformiste de l’anti-culture des années 68 put faire en son temps son nécessaire choc au théâtre. Mais l’effet se défait, et ce qui est révolutionnaire au départ, installé, répété comme un pieux devoir de musée, devient une routine d’un illusoire épate-bourgeois : un académisme. Et le singulier d’une forme, généralisé, n’est plus qu’un uniforme. Avec dix ans de retard, la tendance s’emparait de l’opéra.
En 76, Patrice Chéreau se faisait huer à Bayreuth pour une Tétralogie habillée en années 30 avant de devenir un « must » acclamé pendant 25 ans dans le même lieu. Les metteurs en scène germaniques, suisses ou belges, comme s’ils avaient mis 30 ans à digérer Chéreau, nous resservent depuis le plat rance et réchauffé d’opéras habillés en tout sauf à l’époque du sujet, ce qui est d’une bien étrange pédagogie quand on veut initier des jeunes à la scène lyrique qui risquent d’égarer leurs repères chronologiques en découvrant le mythique Orphée de Monteverdi en smoking 1900, Agamemnon en débardeur et chapeau melon, Phèdre en tee-shirt, Hercules de Hændel en tee-shiret de marine et chemisettes multicolores par la grâce disgracieuse de Luc Bondy ; ils peuvent en perdre leur latin en voyant les Romains de Poppée habillés de pyjamas orientaux (Aix), Jules César, en explorateur africain entouré d’officiers de la Wehrmacht (Werniecke), les chevaliers médiévaux de Rinaldo , en terroristes palestiniens. On a vu Tristan en complet veston (Olivier Py) ; pour Mozart , on a eu Cosí dans un Mac Do (Peter Sellars), La Clémence de Titus en habits Louis XIII (Bourseiller, Aix) et années 30 ailleurs ; un frigorifique Don Giovanni aixois « Ikea » et « Findus » selon l’expression respectivement d’Edmée Santy et la mienne. Récemment, Don Juan a été noir à Harlem, « golden boy » dans les tours de la Défense, avec un Commandeur « manager » en fauteuil à roulettes (Haneke) et, encore à Paris, actuellement, des Noces de Figaro (Marthaller) se situent dans un hall d’hôtel lugubre de Berlin-est et s’habillent en tendance « Tati » tandis que Suzanne accompagne le poétique duo sur la brise avec la Comtesse à la machine à écrire et que les récitatifs sont soutenus au synthé ou en tapotant sur des verres par un personnage, « le récitativiste », qui commente l’action.
On a eu le « tout à l’époque de la création de l’œuvre » à la mode Ponnelle (réussie) des années 70. Mais pour quelques réussites, rares, des initiateurs, on se perdrait à énumérer la longue série de spectacles, imités, copiés, plagiés jusqu’à la nausée, affligés de ces tics devenus du toc. Ce qui pouvait passer pour novateur à l’époque est devenu, 40 ans après, un conformisme, un académisme affligeant. C’est devenu la solderie permanente, l’interminable fin de série des vieux modèles sempiternellement repris sous prétexte de neuf depuis 68. Ce n’est plus de la mode, c’est du copié collé dont on rougit pour les auteurs.

Imagination au pouvoir
Il ne s’agit pas de dénigrer la recherche en art qui, s‘il n’avance pas, recule. Les travaux de laboratoire, en ce domaine sont nécessaires, du moins quand le public n’est pas le cobaye d’expériences nombriliques de metteurs en scène à la mode.
Transposer une œuvre d’hier à une prétendue modernité d’aujourd’hui suppose beaucoup de méfiance quant à son pouvoir : une œuvre ancienne peut m’être aussi contemporaine qu’une contemporaine peut m’être lointaine et étrangère. Mettre en relief excessif sur scène la modernité d’une pièce implique qu’elle ne parle pas d’elle-même ; si sa modernité va de soi, la souligner, est un pléonasme. C’est un frein à l’imagination qui n’a même pas à aller chercher l’universel, l’intemporel, le contemporain dans la Rome antique puisque, appuyés, surlignés, tout mâchés, prédigérés, on les lui offre sur un plateau débordant d’intentions, si totales qu’elles en deviennent totalitaires.
Le physique nous est imposé par la nature ; le costume relève d’un choix, d’un goût, dit autre chose : ce que je suis, non ce que je parais. L’Un se dissout dans l’uniforme. C’est donc l’imagination qu’il faut raviver : un Bakst, un Picasso, un Dufy, une Sonia Delaunay, Léonor Fini, Bernard Buffet pour Carmen, etc, inventèrent des décors et des costumes : d’authentiques créations, des œuvres d’art en soi. Ils ne se contentèrent pas de se fournir au fripier du coin.
Etrange paradoxe : une époque qui se gargarise de cultiver la différence, qui apparemment respecte l’Autre, n’a de cesse, sur scène, de l’assimiler au Même en ramenant platement l’hier singulier à l’aujourd’hui le plus quotidien.

De qui est cette phrase ?
« Si au costume de l'époque, qui s'impose nécessairement, vous en substituez un autre, vous faites un contresens qui ne peut avoir d'excuse que dans le cas d'une mascarade voulue par la mode. » De qui sont ces lignes ? » De Baudelaire.

Maquettes de costumes d'Éliane Tondut, théâtre Gyptis, Marseille :
1
. Jocaste (Œdipe Roi, Sophocle, mise en sène A. Vouyoucas, 1997 ) ;
2. Rosalba en guerre (La Vie est un songe, Calderón, mise en scène A. Vouyoucas, 2000) ;
3. Dorinda (Orlando, Hændel, mise en scène F. Chatôt, 2002) ;
4. Orlando ( Orlando, Hændel, mise en scène F. Chatôt, 2002).


P. S. : Je reprends ici mes arguments, toujours d’actualité, parus, il y a…12 ans dans in CAES Magazine (revue culturelle du CNRS) N°65 puis dans Autre Sud et, récemment, dans La Revue marseillaise du théâtre.


jeudi, mai 10, 2007

JULIA MIGENES

Julia Migenes
Alter ego
Théâtre du Gymnase, Marseille

« Les Visiteurs du Soir », nom vibrant du souvenir magique du film de Carné et Prévert avec diable et ménestrels, sont venus visiter Marseille avec une magicienne et belle diablesse de la scène et du chant : Julia Migenes. Mis en scène par Philippe Calvario, ce ce récital , Alter ego, ‘Autre moi’, est comme un magique miroir où Migenes mirerait (admirerait comme nous), les multiples faces, facettes du talent de Julia, si multiple en un, en un ravissant minois : toujours différente et toujours elle-même. En effet, chanteuse d’opéra, d’opérettes (viennoises, françaises), de zarzuelas espagnoles, de jazz, de chansons internationales, du tango, du boléro au negro spiritual, elle est aussi actrice, metteur en scène : il n’y a pas une partie de l’art divers de la scène qui soit étrangère à Julia, cette portoricaine mâtinée de Grèce, métissée d’Irlande, née dans le melting pot de New York, polyglotte et citoyenne universelle par la musique et le succès, illustration constante de la variété au meilleur sens du terme.
Sur scène dès l’âge de 3 ans, elle brûle les planches, vraie Maria portoricaine dans West Side Story avec la bénédiction de Leonard Berstein, le compositeur, créatrice et interprète d’opéras contemporains, tel The Saint of Bleaker Street de Menotti, cher aux Marseillais à qui il a fait l’an dernier encore une visite avant de mourir, Lulu de Berg au Met, et mémorable Salomé de Strauss chantant et dansant pour Maurice Béjart, metteur en scène. Pour le film du grand Francesco Rosi, face à Placido Domingo, elle est Carmen : sans en avoir la voix, elle en a l’âge, le visage, la rage, l’abattage, en laisse une mémorable version filmée. Auteur, elle promène dans le monde son hilarante Diva au bord de la crise de nerfs, ses Passions Latines. On s’épuiserait sans épuiser le répertoire de Julia, ses disques, ses prix…
Au Gymnase, on l’attendait, elle nous tendait, sa traversée du miroir, en chant, enchantement. Crinière rousse de lionne, frimousse espiègle d’éternelle gamine, bustier noir sur pantalons noirs sur talons aiguilles, mouvante et émouvante silhouette sensuelle, moulée, chaloupée, balancée, dans un halo de lumière, elle entre en scène, elle entre chez elle et nous y invite avec une simplicité souveraine, directe, s’adressant au public dans un délicieux français coloré d’accent américain. Elle explique le choix de ses morceaux : 14 chansons la plupart, américaines deux brésiliennes, une française (belge, en fait) de Brel, Les Paumés du petit matin, mêlée avec le fameux Milord de Piaf, une belle mélodie irlandaise et une poignante ballade ancienne irlandaise aussi. Tous les arrangements d’Édouard Ferlet, par ailleurs pianiste et compositeur dont on apprécia deux morceaux, sont originaux, et mettent en valeur l’art de Julia, passant du grave de la voix de crooner à la voix de tête lyrique, qui n’a rien perdu de son brillant, de ses nuances, un vaste éventail de ressources vocales, très personnel, au service de l'émotion. Elle chante la tristesse embrumée de la fin des amours dans How insensitive (« when a love affair is over… »), la solitude des arrachements loin de la mère, du foyer, de la patrie, poignant spiritual hérité de sa mère, Motherless child ("I feel alone…"), les proches souvenirs familiaux du jazz (Miles Davis) et les lointains de la violence de la guerre dans la douceur des blés, mais la joie, la jubilation aussi, terminant par un hymne vibrant en action de grâces à la vie, Hallelujah.
Le jeune Thierno Thioune, break danseur, agile comme une élastique, tourbillonnante toupie vertigineuse du hip hop, donnait la réplique muette mais éloquente de la danse à l’enchanteresse chanteuse, le pianiste Édouard Ferlet faisait déferler les arpèges du clavier virtuose de son piano parfois « arrangé » à la Cage, le violoncelle d’Alain Grange donnait la ligne d’horizon de sa nostalgie et, à la batterie et aux palpitantes percussions, Xavier Desandre-Navarre devenait un rapeur à l’accent brésilien très convaincant.
9 mai

Photos de Julia Migenes :
© Dana Rossini

samedi, mai 05, 2007

IDENTITÉS

DISQUES

DU SUD AU NORD : IDENTITÉS
N’en déplaise aux esprits étriqués, maladivement et dangereusement centrés sur leur petit nombril nationaliste, l’identité, aujourd’hui, à l’heure du village mondial, ne peut être le repli sur soi mais l’ouverture des frontières mentales à l’Autre, pour étrange ou étranger qu’il soit, quelles que soient ses différences, ses préférences. L’identité n’est pas un habit de carnaval qu’on endosse en sortant et dépose au vestiaire en rentrant. C’est quand on n’est pas très sûr de soi qu’on redoute l’Autre et qu’on affiche des identités ostentatoires. Mais assuré sur son identité, on se nourrit toujours de l’Autre et de l’Ailleurs. En témoignent deux magnifiques disques, divers et proches.

MICHÈLE FERNANDEZ : COMO UN SOPLO (comme un souffle). Voici cette jeune Marseillaise, bien campée en France, qui trouve un souffle, une inspiration et une aspiration dans l’Espagne de ses parents. Tendresse, rêverie, sans nostalgie délétère, elle rend un hommage d’ici, d’aujourd’hui, à leur Espagne d’hier : des chants traditionnels de toute la Péninsule, elle fait une belle chanson d’amour gravée chez nous avec des complices Marseillais pour les instruments, oud (luth), percussions, guitare, violoncelle, accordéon, flûte et même les cornemuses du Centre Gallego (galicien) de Marseille. Instrumentation en parfaite harmonie avec les textes poétiques et les musiques, arrangées souvent par elle-même.
De la Catalogne au pays Basque, en passant par la Galice et l’Andalousie, c’est toute une Espagne musicalisée, stylisée, avec délicatesse et goût, toute la richesse diverse d’un pays qui passe dans la richesse variée de la voix fruitée de Michèle Fernandez : du murmure à la véhémence, du soupir au cri, de la gravité à l’allégresse, modulant les couleurs, le volume, du grave chaud à l’aigu léger, c’est toujours avec la même justesse qu’elle créée un climat et recréée un pays : des paysages de l’âme.
http://milleetunemusiques.free.fr

ERIK TRUFFAZ QUARTET. ARKHANGELSK (Blue Note)
Du sud de l’Europe, nous passons à l’extrême nord sibérien, avec le même bonheur. C’est une sorte de terre inconnue à explorer que nous propose l’Erik Truffaz Quartet dans son dernier album qu’il est venu nous découvrir à l’Espace Julien : « Arkhangelsk », ville d’au-delà du cercle polaire. De notre Méditerranée si bleue, il nous invite au voyage, à naviguer au travers des vagues évanescentes du rêve, vers les rives lointaines de la Mer Blanche, vers les rivages nuageux de cette ville au nom étrange de songe. Entre des vapeurs de sommeil, entre veille et rêve, la trompette brumeuse de Truffaz, soulève suavement de nébuleuses gazes de brume, paresseusement, langoureusement, comme on s’étire d’un engourdissement moelleux, voluptueux. Le son, sans aspérités, sans arêtes, éthéré, s’appuie et se dore parfois tel un soleil au milieu du brouillard, mais sans que rien, même la pulsation plus fébrile des percussions, ou une basse obstinée lancinante, ne vienne perturber le poétique climat d’un ailleurs géographique ou mental, auréolant la voix feutrée d’Ed Harcourt, nimbant celle de Christophe, donnant du fondu aux scansions du rappeur Nya. Poésie en jazz.

http://www.myspace.com/truffaz (des extraits du disque sur ce site)
Erik Truffaz. (Crédit : Isa'l Photography)



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