Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

lundi, octobre 30, 2006

EN FRANÇAIS DANS LE TEXTE

De mon temps, les intellos, nous riions du zèle linguistique anglicisant de ces présentateurs de télé prononçant nos chères vieilles locutions latines bien de chez nous avec l’accent américain. Ainsi, on entendait que la conférence avait été « ajournée saïne daïe » (sine die) ou que venait de sortir sur les écrans le dernier grand péplum tiré de l’historien latin "Taïte Laïve" (Tite Live). Ou bien la fin de la construction d'un grand "pipe laïne" pour amener le pétrole jusqu'à la raffinerie.
Je souris aujourd’hui de ces vêtements de sport Naïke , alors que ces Nike arborent encore l’aile de la victoire stylisée de la déesse grecque Athéna Niké (‘Athéna la Victorieuse’) qui donna son nom à la ville de Nice, pardon, Naïce, comme on ne dit pas sur la Promenade des Anglais. Ou bien ces enfants baptisés Jéson, non pour le Jason cher aux Argonautes mais à cause des feuilletons d’outre-Atlantique.
Justement, les feuilletons américains ou les films en V. O., intéressants par le bain linguistique qu’ils offrent le sont à un autre titre par les sous-titres en soi-disant français. Ainsi un homme se définit : «I’m bachelor » (‘Je suis célibataire’), traduction : « Je suis single » . « Great ! », s’exclame la fille, pleine d’espoir : traduction : « Cool ! ». Elle déchante vite et reproche doucement : « You’re too horny » (‘T’es trop chaud, pressant, tu vas trop vite’) et l’on voit traduit : « T’es trop hot ». Enfin, elle murmure tendrement rougissante : « You, a freak !» (‘Quel phénomène, quel monstre’, ‘vilain bonhomme’) et l’on découvre : « T’es stone ! »

Bref, il faudra bientôt mettre des sous-titres aux sous-titres si la traduction d’une langue étrangère devient aussi étrange.
Scène de Mac Do ou de Quic je veux dire, Couic, non, "Quick" :

« Je voudrais une tarte aux pommes.
- On a pas, répond la craquante serveuse.
- Là , dis-je en montrant la tartelette sur l’affiche.
- Ah, mais c’est pas une tarte aux pommes, ça,!, c’est une appeul pie. »

Prononcer en français.

Paru dans LE RAVI, octobre 2006

PAVILLON NOIR (Aix-en-Provence)

Pavillon pirate de notre enfance ? Non : le nom du flambant neuf Centre Chorégraphique National d’Aix offert par Etat, Ville, Département, Région à Angelin Preljocaj. Apparition d’un superbe et sombre cube en verre de plusieurs étages, zébré de nervures noires, fouettés angulaires sur la transparence du bloc.
Moins transparente, la disparition, consécutive ou simultanée, de Danse à Aix, Festival chorégraphique permanent après des années de bons et prestigieux services : dans l’affaire de ce Pavillon noir, tout le monde proteste de ses mains blanches. Cependant, avec Ministre, tutelles et invités de prestige, le couronnement d’Angelin en grande pompe est bien funèbre enterrement sans couronne de Danse à Aix. Pour le spectacle inaugural, si l’on retrouve l’élégante fluidité gestuelle des séquences de Preljocaj, sa signature, avec la musique de Vivaldi, on a la surprise de ces Quatre saisons qui semblent puiser leur concept, entre baroque et surréalisme, cocasserie et fantaisie animalière, chez le célèbre José Montalvo, la grâce en moins. Alors, selon que l’on est méchant ou aimable, on dira que ce beau travail est un démarquage ou un hommage de/à Montalvo.
Pavillon noir, Aix-en-Provence, sam 21 octobre 2006.

dimanche, octobre 29, 2006

LES INSTITUTEURS IMMORAUX , d'après Sade (Th. Bernardines)

D’après La Philosophie dans le boudoir du Marquis de Sade
Théâtre des Bernardines, Marseille

Hagiographie sadienne
Il y a une légende pieuse de Sade (1740-1814), une légende dorée de sa noirceur, due à une hagiographie d’une frange intellectuelle et bourgeoise, gardant sans doute une vague mauvaise conscience de classe, qui a érigé le « Divin Marquis » en martyre d’une persécution et prophète d’une Révolution qu’il n’a pas tellement subie ni tellement appelée de ses vœux malgré son tonitruant : « Français, encore un effort pour être républicains ! »
Certes, quelque trente années de prison et une fin à Charenton sont une insupportable violence qui nous répugne autant qu’elle eût agréé (à usage externe) cet adepte de la cruauté par système : la nature est amorale, la société immorale, donc, l’homme, animal naturel et social ne peut que cultiver son immoralité, le culte du mal. C’est là un syllogisme qui mêle le courant libertin ancien d’abandon aux passions et à la nature, mêlé d’un Rousseauisme dévoyé, dont la théorie a quelque force subversive contre les hypocrisies établies.
Mais, au-delà ou au titre de ses livres, il y aurait quelque angélisme à blanchir Sade de ses crimes avérés, enlèvements, tortures, tentatives de meurtre par empoisonnement et autres amabilités toujours sur des êtres plus faibles et dépendants : le sadisme, auquel son titre de noblesse a donné son nom, n’est pas le contrat érotique entre deux libertés égales, cherchant un réciproque plaisir dans la douleur relative subie ou offerte de deux adultes et que leur consentement mutuel légitime. Il s’agit chez lui, et pas seulement dans la fantasmagorie de son œuvre théorique, de pratiques coercitives, d’oppression du plus faible par le plus fort : l’aristocrate, le féodal réactionnaire, est très à l’aise dans un temps impitoyable, et du côté du marteau. Quant à la Révolution, il lui doit plus ou tout et elle ne lui doit rien : libéré avec la prise de la Bastille, il peut publier ses ouvrages conçus en prison grâce à l’abolition de la censure et il est certain que ses livres, dans l’énorme production érotique de ce temps, étonnent et même détonnent par une expérimentation des limites inédites et inouïes : là serait sans doute la seule révolution de « l’esprit le plus libre qui ait encore existé », selon Apollinaire. Mais liberté au détriment d’autrui. Et Pasolini ne s’y trompait pas quand il faisait des 120 journées de Sodome l’allégorie de la société fasciste dans son film "Salo". […]

Mode sadienne
Il est vrai que les joyeuses années 68, la libération des corps et des esprits, avaient vu la résurgence de l’œuvre de Sade, emblème d’une lutte contre la pudibonde censure encore officielle en vigueur. L’interdiction des Œuvres complètes du Marquis publiées par Jean-Jacques Pauvert en 70, alors qu’Emmanuelle régnait sur les rayons psychédéliques des drugstores, fit de ce combat un enjeu politique. Par militantisme libertaire, nous fûmes nombreux à souscrire à l’onéreux achat, bien moins à lire ce qu’il faut bien nommer un fatras souvent insipide et ennuyeux par répétition obsessionnelle malgré de grandes mais rares pages qui fouettent, métaphoriquement, le sang et le sens par leur force intellectuelle. L’intelligentsia parisienne, après les surréalistes, fit de Sade un passage obligé de la culture germano-pratine du temps : Klossovsky, Deleuze, Sollers, Suzanne Allen, nous convièrent à des colloques et publications savantes sur un auteur soudain à la mode, (ceux dont on parle plus qu’on ne les lit), mais je ne crois pas au goût profond d’une époque dont le credo, « faites l’amour et pas la guerre », était l’antithèse de l’amour comme une guerre sans pitié de la conception sadienne.

Les Travailleurs de la Nuit
C’est avec curiosité et non sans crainte qu’on attendait l’approche de Sade par cette compagnie, eu égard au nombre de jeunes « théâtreux » qui redécouvrent pesamment les années 70, et souvent s’y engluent, avec une scolaire application de ces vieilles provocations, nudité, scènes sexuelles, bien usées depuis.
Crainte vaine : une constante distance humoristique, une souriante légèreté générale et un respect sans pesanteur du texte, malgré quelques ingrédients d’ajouts, heureusement discrets mais trahis par leur style, l’habileté à éviter le naturalisme, les images concrètes, font adhérer à la proposition mais installe une autre crainte : celle, parfois, d’une lecture animée plus que d’une pièce où l’innommable est nommé, « représenté » par le verbe mais non montré. La limite et sommet du procédé est la charnière du spectacle, une longue et intense scène vocale dans le noir de ces « Travailleurs de la nuit », qui laisse aux yeux de l’imagination le soin de voir ce que Tartuffe n’oserait regarder. Autre trouvaille, la diaporama paisible, comme photos de vacances, des fameuses gravures érotiques aux acrobaties sexuelles qu’aucun film porno n’a encore osées, qui illustrèrent les œuvres de Sade et autres romans libertins de son temps tels ceux de Nerciat, de Théroigne de Méricourt, Restif de la Bretonne, etc. Belle mais terrible image aussi, l’ombre chinoise latérale et projetée frontalement par la caméra, de la scène de torture et de meurtre qui fait basculer l’érotisme mondain dans la cérémonie funèbre et nécrophile d’une table devenue autel d’un sacrifice, tout comme la lapidation excrémentielle d’une héroïne, qui, même venues de Belle de jour de Buñuel, sont bien à leur place dans un Sade qui doit beaucoup au roman « gothique » de son temps. Cette rupture de ton montre bien que les auteurs ne sont pas dupes sur le fond brutal de Sade.

Les acteurs de la lumière
La dernière scène, revenue par chaise à porteur et menuet, perruque et travestissement, à un XVIII e siècle élidé jusque-là, dans sa bouffonnerie cruelle, sodomisation, infibulation et revirgination à vif de la mère-travesti, bref, le seul passage à l’acte de cet acte unique, montré sur scène, paraît comme une pièce rapportée, insupportable peut-être parce que, justement, c’est la verbalisation de l’horreur, comme dans les tragédies grecques et dans l’œuvre du Marquis (origines de la psychanalyse), c’est toujours la parole et non le geste qui libère de l’action, l’évite, nous l’épargne. Si l’on rappelle que Sade fut un fou constructeur de théâtres, auteur, acteur, metteur en scène, passionné de décors fastueux, la scène est bien le lieu cathartique de sa parole passionnelle, de ses transgressions.
Pour le reste, une table, un canapé et deux fauteuils Voltaire et cette projection du public sur le fond du théâtre, évoquant le « Cabinet d’Assemblée » du Château des 120 journées (inspiré du Mariage de Figaro ), sont le seul décor à ce spectacle de l’écriture sadienne rendue superbement à sa théâtralité, à sa musicalité. La crudité de certains mots, « couilles », « culs, « cons », « foutre », ressortent et sur la lisse politesse de la langue, la sertissent comme des bijoux scabreux.
Dans la bouche de Stéphanie Fatout, qu’on dirait baignée de naissance dans le charme de cette prose mondaine, dont le sourire et les yeux spirituels ont le piquant qu’on trouve aux tableaux aimables et mignards de cette époque, cette parole élégante et obscène prend un charme inconvenant roboratif mais naturel : elle est jusqu’au bout des ongles une maîtresse de maison et de cérémonie toute de grâce perverse et nonchalante : une angéliquement diabolique Madame de Saint-Ange. En diverses fonctions et appellations, surtout celle d’amuser cette close société par son initiation sexuelle de vierge, Raphaëlle Thiriet, passe avec un égal bonheur par tous les registres : édulcorée, acidulée, délurée, avide, ingénue libertine en titre prête à le disputer à ses maîtres. Son instituteur, Fabrice Michel, collaborateur artistique de la dramaturgie, comme un paisible animal domestique au départ, semble déployer soudain sa stature et nature de fauve avec une fièvre inquiétante dans le regard, une eau à la bouche d’ogre dans sa tirade sur la sodomie et une silhouette tragique de vampire gothique vaquant à son funèbre rituel. Avec son visage naïf, son regard indulgent, son sourire bon enfant, le Père Barnabas, père fouettard bien sûr, semble droit tiré de Dom Bougre, le Portier des Chartreux . Olivier Horeau lui prête sa bonhomie qui rend par, contraste, plus scandaleuse dans le contexte du temps, sa longue tirade moins sur l’athéisme que sur la nécessité de Dieu pour le pouvoir blasphémer et profaner : le moment vraiment fort de Sade et sans doute le seul nécessaire actuellement avec le retour morbide et mortel du religieux. Metteur en scène et en images filmées (superbe main d’Émilie telle celle d’Adam chez Michel-Ange, mais sans Dieu…), Frédéric Poinçeau, belle présence un peu marginale longtemps, est un tragique pantin final travesti et martyrisé. Chantant Anaïs (de Mozart à un lied) Elisabeth Aubert, garde son beau soprano toujours frais sans quitter la scène et méritait une intégration meilleure dans l’action.
Le 28 octobre 2006

samedi, octobre 28, 2006

"Ercole amante" de Cavalli, ballets de Lully (Opéra de Toulon)

EVÉNEMENT

Il y avait peu de monde à l’Opéra pour ce courageux exploit : ce n’était que Cavalli et Lully, excusez du peu. Mais on n’excusera pas un public déserteur qui s’est puni tout seul en n’assistant pas à cet événement. La ferveur enthousiaste des heureux présents l’auront compensé et récompensé au moins la troupe jeune et nombreuse des solistes, du chœur et de l’admirable orchestre de l’Académie baroque Européenne, menés de souple main de maître par Gabriel Garrido, grand maître justement du Baroque aujourd’hui..
Ce « dramma per musica », cette œuvre, cette « opera » d’avant l’« opéra », fut commandé par le cardinal Mazarin au compositeur vénitien Francesco Cavalli (1602-1676), au sommet de sa gloire, ancien élève de Monteverdi, pour célébrer, après le Traité des Pyrénées en 1659, le mariage en 1660 du jeune Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse, qui devait sceller la paix entre la France et l’Espagne après 20 ans de guerre ouverte et clore un siècle et demi d’indiscutable hégémonie espagnole sur l’Europe dont la France relève le flambeau. On l’ignore : Mazarin, est Italo-hispanique, né dans l’Italie espagnole, s’est rendu en Espagne dont il parle la langue, d’où sa connivence et sans doute amour avec Anne d’Autriche, la mère espagnole de Louis XIV. À eux d’eux, ces étrangers feront la grandeur de la France dont cet opéra doit marquer avec éclat la jeune et indiscutable prépondérance dans le concert européen. […]
Commandé par un Italien, voulu par une Espagnole, le spectacle doit être à la hauteur de l’événement, de l’avènement. Le meilleur de l’Italie, musique et technique, est embauché et débauché à prix d’or pour l’affaire : le grand architecte Vigarini construit une salle spéciale et spacieuse entre Louvre et Tuileries de 7000 places et le « sorcier » Torelli, ingénieur de l’Arsenal de Venise, célébré dans toute l’Europe pour ses ingénieuses «machines », en fabrique de gigantesques qui font l’effroi et l’admiration des Parisiens. L’abbé Butti écrit un livret mythologique et apologétique de la monarchie française auquel se greffe une généalogie mythique faisant remonter la dynastie aux empereurs romains ; Cavalli le met en musique ; Lully, le Florentin, déjà bien en cour, écrit les ballets, intermèdes bien français sur des poèmes aussi allégoriques de Bensérade que la cour dansera, le roi en tête en Mars, Pluton, Soleil….
Cette œuvre, qui dans sa structure mêle le tragique et le comique dans la tradition de la comedia espagnole avec un rôle important du serviteur bouffe parodiant les maîtres (ici Lychas) est donc un carrefour d’influences européennes, une somme de sommets techniques et artistiques de ce temps, offert à l’admiration de toute l’Europe comme une apothéose d’une France rayonnante qui se dote d’un Roi Soleil.
Mais le mariage a déjà un an et Mazarin est déjà mort quand a lieu la tardive première avec deux ans de retard, en 1662. Non sans déception : le bruit des machines couvrant parfois la musique, ce qui n’empêche pas l’œuvre d’être jouée de février à mai. Elle n’invente pas mais fixe spectaculairement toute une topologie de l’opéra baroque : enchantement, sommeil, zéphyrs, tempêtes, scènes des enfers, etc) et fait des émules par sa machinerie et ses décors grandioses dans toute l’Europe et par son sujet jusqu’aux « Hercule » de Hændel (1745 et 1751). C’est pour cette salle que Molière écrit son Amphytrion (1668) c’est pour en réutiliser les décors que le roi commande à Molière et Corneille leur Psyché (1669), ce dernier ayant déjà fait ses preuves dans les pièces à machines (La Toison d’or et Andromède ) et même Racine se propose pour écrire un Orphée pour cette salle et ces décors.

Hercule amoureux
Détaché de l’éthique et de l’esthétique baroques, le sujet paraît à tort saugrenu. Le volage demi-dieu guerrier répudiant sans ménagement son épouse Déjanire pour convoler avec Iole, dont il a tué le père, fiancée de son fils Hyllus, et prêt à tout pour assouvir son désir brutal, ne semble guère un exemple moral à offrir au jeune Louis XIV, « Hercule gaulois », le jour de noces qui consacrent officiellement sa rupture avec son adorée Marie Mancini, nièce du Cardinal qu’il rêva d’épouser. Par ailleurs, cet Alcide livré à l’empire sauvage de sa passion, qui terrasse les monstres mais ne sait se dompter, est ici moins celui lumineux et vénéré des « Douze Travaux » qui purgent la terre de ses terreurs que la sombre brute d’une série de meurtres qui en font un mythique « serial killer », honni et vomi par une foule de personnages qui, des Enfers, en réclament vengeance. Ce serait d’abord oublier une longue tradition chevaleresque et courtoise : le héros vainqueur cède le pas au héros vaincu et blessé d’amour. Ensuite, l’allégorie moralisante : Hercule, déchiré entre les excitations de Vénus (« Pourvu que tu jouisses, qu’importe que ce soit par fraude ou de plein gré ? ») et les incitations à la vertu conjugale de Junon est un emblème de la nature humaine partagée entre l’âme et le corps, vice et vertu, mais aussi une figure christique dont le sacrifice terrestre infligé par la tunique maudite assure la montée au ciel où il épouse Hébé, la Beauté, ici clairement désignée comme la princesse espagnole.
Héritière encore de Monteverdi, la musique de Cavalli frappe par sa diversité et son naturel qui semble émaner directement du texte, effaçant la frontière entre le parler et le chanté, passant du récitatif accompagné à l’orchestre à l’arioso qui parfois se fait aria strophique à ritournelle sans solution de continuité, déjouant l’attente par des suspensions tonales que la musique plus close et métronomique des ballets de Lully, plus cadentielle, par contraste, rend plus sensibles. Les ensembles, duos, trios, chœurs se font aussi dans un fondu enchaîné admirablement dramatique. Le continuo est inventif, varié, confié, selon les situations, à la noblesse de l’orgue régale, au clavecin, à la harpe, aux théorbe et guitares baroques.....Les jeunes chanteurs se coulent avec bonheur dans ce flot musical et en maîtrisent le style : grave Hercule tonnant d’Ismaël Gonzalez face au couple tendre, la douce Iole de Iulia Elena Surdu et l’Hyllus de David Hernández Anfrus et contre la déchirante Déjanire de Jana Levicova, dans la lignée de l’Octavie de Monteverdi ; la ductile et capricante Vénus de Lauren Armishaw a pour contraste une noble et véhémente Junon (María Hinojosa) ; la solide Pasithea (Juliette Perret) semble faire pièce à la grâce de cygne de la Diane et Beauté d’Ingeborg Dalheim. Vincent Vantyghem a la voix sombre de l’ombre, Ricardo Ceitil l’ingénuité du Page tandis que qu’Adrian George Popescu est un Lychas primesautier qui sait faire rire et fantaisie du « trillo martellato » virtuose. Le danseur Victor Duclos synthétise souplement la chorégraphie absente que la gestique baroque des chanteurs rappelle un peu.
La belle mise en espace de Pierre Kuentz, sobre et plastique, ne fait pas regretter les machines et les costumes à l’antique revus par le Grand Siècle (avec des références à Zurbarán) de David Messinger sont d’une rêveuse et moelleuse grisaille teintée de pastel sous les lumières tamisées d’Adèle Grapinet, même s’il cède à l’académisme très usé de mêler quelques inutiles costumes contemporains.
3 octobre 06

WAGNER BLOND ET NOIR (Opéra de Marseille)

Rentrée symphonique et lyrique à Marseille, un concert Wagner, prélude automnal au programme wagnérien printanier, « la Walkyrie ». Solennité particulière, notre scène marseillaise recevait pour la première fois, non pour chanter car elle ne fut impardonnablement jamais invitée chez nous mais pour un juste mais tardif hommage, la grande Christa Ludwig désormais retirée de l’opéra, ayant cependant offert son expérience aux stagiaires du CNIPAL. Cérémonie sous les auspices des Cercles wagnériens et le patronage de la Ville, qui remettait sa médaille à cette grande dame du chant, émue de l’accueil, elle qui nous a offert tant de belles émotions. L’Orchestre philharmonique de Marseille, à son meilleur, fut transcendée par un chef d’exception, le Danois Michael Schonwandt, aussi minutieux et fouillé dans les détails, les couleurs instrumentales, qu’impétueux mais limpide dans les ensembles fracassants de l’orchestre, étageant les plans et conduisant les crescendi avec une rare maîtrise. D’entrée, l’ouverture de Tannhäuseur manifestait ces qualités : douceur des cuivres, transparence impalpable des cordes, atmosphère rêveuse de légende, comme une auréole de saint de tableau médiéval, avant le tourbillon voluptueux du « Vénusberg ». Même finesse impondérable des attaques, nimbées de nostalgie, même irrésistibles montées de houle passionnelle dans le Prélude de Tristan, adoucissement des couleurs sans dissoudre la ligne dans Parsifal et le chaos si construit du Götterdammerung : un Wagner délivré des pesanteurs néo-romantiques et bismarckiennes, rendu à sa finesse originelle.Eva Johansson, Danoise aussi, blonde, yeux bleus et de bleu vêtue, est, physiquement et vocalement une héroïne wagnérienne, peut-être déjà trop héroïque pour la douceur virginale d’Élisabeth, mais sa voix d’airain, d’acier trempé, donna corps et âme à son Isolde très intériorisée, déjà ailleurs, dans un autre monde, drapée d’abord de vent dans la tempête musicale, fondue merveilleusement dans les flots de l’orchestre, déjà mythique et tendrement et follement sacrificielle dans la dernière et grandiose scène du Crépuscule des Dieux et de l’aube des hommes.
9 septembre 06

CONCERTS D'AIX (Jeu de Paume)

Le Théâtre du Jeu de Paume d’Aix offrait un beau lever de rideau de la saison des « Concerts Aix » avec un récital, double par le chant, triple si l’on considère l’excellence du piano de Patrick Visseq, plus qu’accompagnateur, compagnon musicien des solistes et duettistes, Pauline Courtin, soprano colorature, et Cyril Rovéry, baryton, brillants lauréats de notre Conservatoire National de Marseille, ayant fait leurs classes sous la férule du ténor Tibère Raffali qu’on n’a pas oublié.De Pauline Courtin, ancienne stagiaire du CNIPAL, j’ai déjà dit les qualités physiques, scéniques et vocales qu’elle prodigue et promène en France et à l’étranger dans une déjà bien jolie carrière : ce charmant Tanagra, cette jolie petite poupée, a le privilège de n’être pas défigurée par une grande voix et son chant, empli de rossignols, est l’image sonore de sa grâce sans gracieuseté, un souriant équilibre de technique et de naturel, de tenue vocale et de retenue. A l’entendre dans les tendres mais rusées et sensuelles soubrettes de Mozart, Susanne, Zerlina, Despina, on a l’impression que ces rôles subtils théâtralement et vocalement, furent écrits pour elle : un regard, un geste du bras, un léger mouvement du corps, et le personnage vit car elle sait faire vivre les mots et la musique.Cyril Rovéry, haute silhouette sombre, sait plier, mesurer sa taille et sa grande et longue voix à la proportion exquise de sa partenaire et ne l’écrase jamais. Il se tire bien des aigus tirés du Figaro de Rossini mais sa verve bouffonne un peu appuyée semble à l’étroit dans l’élégante jaquette musicale du Comte ou la livrée de son valet, même s’il sait être un Don Giovanni câlin mais inquiétant. Il donne sa pleine mesure dans le terrible Rigoletto de Verdi, à quelques sons nasalisés près, certes dramatiquement expressifs, mais trop répétés. Il ose des demi-teintes toujours justes théâtralement mais plus incertaines musicalement par le système mais en devient, géant blessé, bouleversant face à sa petite Gilda profanée ; et Pauline, notre délicieuse soubrette est ici une sensible héroïne de tragédie, douce victime palpitante, pantelante, à vif. Vérité de l’émotion et triomphe reconnaissant du public.Au piano, Visseq est dans tous ces styles, ces rôles pour être plus juste, et sait tirer l’orchestre de son instrument, le fait chanter ou gémir et, sous le clavier accompagnant l’air de fureur du Comte, nous rend sensible un concerto mozartien.
8 septembre 06

YUSTE (Arles)

Yuste, Les mémoire imaginaires de Luis de Narváez, d’après un texte de René Villermy, Mise en scène de Thierry Paillard, lumières d’Éric Rolland. Arles, à Saint-Honorat des Alyscamps.

Les Alyscamps, les « Champs Élysées » d’Arles la romaine, sa nécropole hors les murs : demeure des ombres heureuses selon les Anciens. Aujourd’hui, une large et noble allée de sombres cyprès adoucis d’autres frondaisons plus tendres, prêtant une ombreuse poésie à cette double enfilade de sévères sarcophages, de stèles funéraires, de restes de mausolées antiques et paléochrétiens sur lesquels le néo-classicisme antiquisant du XVIII e siècle a imprimé sa trace : une urne colossale, des insignes maçonniques dans un vague œcuménisme sépulcral. Au fond, comme une récompense de ce grave et rêveur parcours de ruines, devant des fouilles, l’église Saint-Honorat, fondée au XI e siècle par les moines de Saint-Victor de Marseille, en style roman provençal, surmontée d’une tour lanterne des morts de style romain, inspirée de l’antique local. C’est en ce lieu plein de charme mélancolique que, dans le cadre de « Monuments en scène », Thierry Paillard avait choisi de présenter une œuvre, récit concert, créée au théâtre de Lenche, Yuste, Saint-Just, le couvent perdu du fin fond de l’Estrémadure où Charles Quint, le plus grand monarque que l’histoire ait connu, après avoir abdiqué les vaines pompes du monde, choisit de se retirer en 1556 pour y mourir en 1558. [...] On trouvera difficilement lieu plus adéquat pour évoquer l’ombre du grand Empereur, qui rêva d’une Europe unie et d’une monarchie universelle : les ruines pour y accéder, comme restes du rêve détruit, de l’Empire bientôt en décadence, les tombeaux, symboles de pierre de la vanité de la gloire terrestre et, enfin, passé ce porche roman si pur, l’harmonie grandiose et simple, après le chaos terrestre, de l’aspiration mystique à l’élévation intérieure.Des quatre massives piles cylindriques, puissantes assises terrestres, trait d’union solide entre terre et ciel, se déploient par la pointe les palmes vigoureuses des trompes, (supports nervurés) sur lesquelles repose le firmament octogonal de la coupole, percée de sa lanterne comme une aspiration vers la lumière du haut. Des blasons en haut relief ornent la nudité des murs et quelques discrets ajouts, bijoux baroques. Dans la grandeur imposante de l’architecture, musique muette, la grandiose humilité de la musique, architecture sonore. Mais la pierre n’écrase pas, elle exalte la délicatesse arachnéenne des sonorités de la vihuela, que, sur la douce viole de Luc Gaugler, ligne dorée continue et contenue de nostalgie, horizon lointain, René Villermy égrène ou tisse de ses traits argentés : la corde frottée par l’arc est soubassement dialogué à la corde pincée du luth, un tendre et grave gémissement amoureusement commenté et diminué par l’aigu consolateur. C’est l’harmonie intime de l’âme après le chaos du monde en ruines de l’extérieur.Une simple cathèdre surmontée d’un dais est à la fois siège ancien ou trône abdiqué à un personnage en longue robe bleue, cheveux blancs, ombre parfois fantasmatiquement portée sur le mur : ce n’est pas Charles Quint en son monastère, mais son compagnon de pérégrinations en Europe, Luis de Narváez, grand musicien, célèbre de son temps, que représente Michel Paume, acteur fiévreux, habité par son personnage, auquel Villermy, auteur du texte, prête sa parole : le musicien d’aujourd’hui dialogue à travers le temps avec celui d’autrefois, le fait parler et chanter admirablement par sa musique. Commentaires d’un homme de notre temps sur un autre qui lui ressemble beaucoup : catastrophes, guerres de conquête, de religion (« il n’y a pas de guerre sainte »), rêves de grandeur. Vanité, pérennité, caducité : quel écho peut-il rester de la musique non imprimée dans le naufrage du temps ? Quelle trace laisserons-nous ici-bas hors ces tombeaux vides ?Autant de questions qu’on se pose à l’écoute de ce beau concert parlé ou de cette musique éloquente servie avec dignité par ces artistes et par la délicatesse de touche de Thierry Paillard qui, dans un tout autre esprit, réussit encore une de ses émouvantes vignettes après la truculente Aldonza (déjà avec Villermy) et ces aériens Mots d’ailes où, en un tour d’hélice, il offre les délices d’un parcours de l’épopée de l’Aéropostale à lui tout seul, en texte, chansons et courrier. À bon expéditeur, salut.
2 septembre 06

PROGRAMMES OPÉRAS DE LA RÉGION PACA 2006-2007

Les lampions des festivals éteints, s'allument les feux de la rampe. Notre bienheureuse région PACA ne devient pas un désert musical entre deux étés. À preuve, les beaux programmes des Opéras, alphabétiquement, d’Avignon et Marseille, puis Nice et Toulon page suivante.

AVIGNON (tél. : 04 90 82 81 40, fax : 04 90 82 81 41, site : www.mairie-avignon.fr)
Avignon compte autant d’assidus de son Opéra par an que d’habitants : 90 000 ! Affolant programme éclectique de plus de 70 soirées : théâtre, opéras, opérettes, concerts, danse, variétés, humour, sans compter les 11 après-midi lyriques des délicieux « Apér’Opéra » à 17 heures, tremplins de jeunes chanteurs, dont nos amis du CNIPAL de Marseille et les conférences de Philippe Gut. Avec Raymond Duffaut, déjà à la tête des Chorégies d’Orange et de l’Auditorium du Vaucluse, l’exigence artistique et vocale sont au rendez-vous et l’on ne s’étonne pas d’y retrouver des metteurs en scène et des chanteurs qui ont fait ou feront leurs armes au pied du « Mur », tels Nicolas Joël et Patrizia Ciofi qui a bouleversé Orange dans" Lucia". Cinq opéras, deux messes, des récitals lyriques : The London baroque, Lynne Dawson dans des airs baroques (14 octobre) Musée Calvet ;"Requiem" de Mozart, direction de Michel Piquemal (29 septembre) ;"Don Giovanni" de Mozart : l’admirable production marseillaise de Frédéric Bélier-García, dans une autre distribution et sous la direction magistrale de Theodor Guschlbauer ; Xavier Mas, ancien du CNIPAL y sera Don Ottavio (27, 29, 31 octobre) ;Grande messe en ut de Mozart, direction M. Piquemal, 24 novembre ; "Die Zauberflöte", de Mozart, flûte sûrement enchantée pour fin et début d’année sous la baguette musicale de T. Netopil et magique de Robert Fortune (29 et 31 décembre, 5 et 7 janvier 2007) ;"Les Pêcheurs de Perles" de Bizet verront l’admirable Patrizia Ciofi endosser la tunique indienne de Leïla, la femme voilée, sous la direction sûrement en finesse de Nadine Duffaut à la scène et de Vincent Barthe à la fosse (25 et 27 février) ;Felicity Lott, la « Dame » la moins madame qui soit tant sa simplicité est royale, donnera un récital le 3 avril, accompagnée au piano par Graham Johnson avant d’être Madame Alexandra à Marseille ;"Fidelio", de Beethoven dans la superbe production de Marseille d’Auvray, dans une autre distribution, Janice Baird en Léonore avant d’être la Walkyrie de Marseille (15 et 17 avril) ; "Mignon", d’après Goethe, le rarissime opéra d’Ambroise Thomas nous fera connaître « le pays où fleurit l’oranger » (27 et 29 mai).
Opérettes: A ne pas négliger les opérettes, "Un de la Canebière" de V. Scotto (11 et 12 novembre) ; "La Poule noire" et "Rayon des soieries" de Rosenthal mises en scène par la subtile Mireille Larroche (2 et 3 décembre) ; "La Chauve-souris" de Johann Strauss, mise en scène par l’inventive N. Duffaut et dirigée par D. Trottein, avec trois de nos ex-stagiaires du CNIPAL, Michelle Canniccioni, Emmanuelle Zoldan et Virgile Frannais (3 et 4février) ; "Un Violon sur le toit" de Bock et Stein, deux fois sélectionné aux Molières 2006 (7 mars) ; "Princesse Czardas", de Stein et Kalmann avec l’adorable Pauline Courtin, ancienne du CNIPAL (17 et 18 mars) ; Les saltimbanques d’Ordonneau et Ganne (5 et 6 mai).Parmi les ballets, on signalera "Empty move"s (Part 1) de notre voisin Preljocaj (4 octobre), Tango pasión (16 décembre), "Carmen" d’Antonio Gadès dans un espace d’Antonio Saura (20 janvier), le classique et romantique "Lac des Cygnes" de Tchaïkovski revu par Andy de Groat, clôture des Hivernales de la danse (3 mars), sans oublier les productions du ballet maison d’Eric Belaud (31 mars). Quant à la musique de chambre, on rêve : Philippe Entremont, Lang lang, Nicholas Angelich, le Quatuor Ysaÿe, entre autres et neuf concerts symphoniques…

MARSEILLE (tél. : 04 91 55 11 10, http://opera.mairie-marseille.fr)
Sept opéras, huit concerts symphoniques et, chaque mois, nos délicieuses Heures du thé de 17 heures par les stagiaires du CNIPAL."Norma", de Bellini, mise en espace (on imagine sidéral) de la prêtresse gauloise de la lune trahie et sublimée par sa passion pour le Romain ennemi, sera chantée par la sublime June Anderson, en ouverture émouvante de la saison les 5, 8, 11 et 14 octobre ;"Dialogues des carmélites" de Poulenc sur le texte sévère et noble de Bernanos nous vient d’Avignon dans la mise en scène de Jean-Claude Auvray mais avec la direction musicale de notre désormais local Patrick Davin. Nous retrouverons en humaine Mère Marie Marie-Ange Todorovitch et Lucie Roche du CNIPAL en Mère Jeanne dans cette histoire de peur et de Terreur autant religieuse que révolutionnaire (14, 16, 19 et 21 novembre) ;"Rigoletto" de Verdi d’après Hugo, alliance miraculeuse du drame et du chant orné romantique, avec une invention mélodique volante et légère « comme la plume au vent » sera coproduit avec les opéras de Lausanne, Nantes-Angers et Avignon (19, 21, 23, 26, 29, 31 décembre);"Colombe" (1961), livret de Jean Anouilh, musique de Jean-Michel Damase dont on goûta L‘Héritière, unira Jacques Lacombe à la fosse et l’inventif Robert Fortune à la scène et offrira à Dame Felicy Lott, la plus française des ladies anglaises, un rôle d’excentrique délurée à son humoristique et distinguée mesure (27, 30 janvier, 2 et 4 février 2007) ;"L’Enlèvement au sérail" de Mozart aristocratique et populaire, mélange de bel canto pyrotechnique et de simples chansons nous revient dans une nouvelle production (6, 8, 11 et 13 mars); …"Lucia de Lammermoor" de Donizetti, la plus attachantes des folles d’opéra nous revient aussi dans une nouvelle production dans une mise en scène de Bélier-García qui avait déjà remporté tous les suffrages avec "Verlaine Paul" et "Don Giovanni". Nous y retrouverons la merveilleuse Patrizia Ciofi d’Orange ; "Die Walküre", la Walkyrie de Wagner, isolée de sa Tétralogie de l’"Anneau du Nibelung", fait aussi retour dans une nouvelle production marseillaise de Charles Roubaud, Katia Duflot, P. Davin à l’orchestre et Janice Baird, la Léonore d’Avignon et nos amies du CNIPAL Mihaela Komocar et Lucie Roche en walkyries. Punie pour sa compassion envers Siegmund et Sieglinde, le couple incestueux et héroïque, Brünhilde sera échue de sa divinité par Wotan et endormie dans un lit de flammes. (16, 20, 23, 25 mai) ;Huit concerts symphoniques jalonneront la saison, un par mois, dont deux vocaux, Wagner le 9 septembre et un oratorio arménien de Garbis Aprikian où brillera sûrement Mihaela Komocar du CNIPAL.

NICE (04 92 17 40 79, fax : 04 93 80 15 82, www.opera-nice.org)
Huit opéras au programme et une ouverture baroque : [...]
"L’incoronazione di Dario", de Vivaldi, récemment découvert par Gilbert Bezzina, qui dirigera le fameux Ensemble baroque de Nice (il l’a aussi enregistré pour Harmonia Mundi, ouvrira la saison (30 septembre) ;"Norma", de Bellini, comme à Marseille, mais ici coproduction de Nice et du Théâtre national Slovène, mise en scène de Paul-Émile Fourny, par ailleurs Directeur général de l’Opéra, auquel on doit l’admirable Ariane et Barbe-Bleue de Dukas et la Lucia d’Orange (20, 22, 24, 26 octobre) ;"Don Pasquale", de Donizetti, production locale, nous fera passer de la tragédie amoureuse à la bouffonnerie du barbon amoureux roulé par la rouée Norina d’Henrike Jakob (24, 26, 28 novembre) ;"Le Pays du sourire", l’opérette si vocale de Lehar, s’installe dans une nouvelle production pour les fêtes de fin d’année, mis en scène de Paul-Émile Fourny et l’on y retrouvera Pauline Courtin, ex du CNIPAL (26, 28, 30, décembre, 3 et 5 janvier 2007) ;"Cosí fan tutte" de Mozart viendra de l’Opéra Royal de Wallonie mais sera dirigé par le chef maison, Marco Guidarini, acclamé à Orange dans "Lucia" et le concert lyrique. Paulo Szot, baryton unanimement apprécié chez nous, endossera encore le déguisement cocasse de Guglielmo (26, 28, 30 janvier, le 20 étant heureusement réservé aux étudiants et universitaires pour 5 €) ;"Sans famille", création mondiale, opéra populaire tiré du célèbre roman d’Hector Malot (1878) qui fit pleurer nos enfances, mis en musique par Jean-Claude Petit, qui le dirigera, et en scène par Paul-Émile Fourny. Jean-Philippe Lafont, déposé le cynique masque de Don Alfonso de Cosí, sera ici le tendre saltimbanque Vitalis (23, 25, 27 février, 1 mars) ; "Teseo", de Hændel, dans une nouvelle production, illustrera la place prise par l’Ensemble baroque de Nice, dont on fête le 25 e anniversaire, dans la recherche et la création ou recréation de la prolifique veine lyrique du Baroque (18, 20, 22 mars) ;"La Vedova scaltra" (‘la Veuve rusée’) d’après Goldoni, musique de Wolf-Ferrari (1931), inspirée de la Commedia dell’Arte, met aux prises une jolie veuve et cinq prétendants amoureux représentant l’Angleterre, l’Espagne, la France et l’Italie qui remportera la palme avec l’aide d’Arlequin. La musique pétille de pastiches de Mozart à Puccini et se joue des nationalismes musicaux ; elle sera dirigée par Marco Guidarini tandis que nous avons la bonne surprise de trouver en metteur en scène le compositeur René Koering, homme-orchestre, fondateur du Festival de Montpellier et surintendant de la musique de cette ville d’où vient cette production (27, 29 avril, 2 mai) ;"Nabucco", de Verdi viendra de Bologne pour clore cette riche saison lyrique (25, 27, 29, 31 mai).On ne manquera pas de signaler "Bastien et Bastienne" du Mozart enfant, justement en direction des enfants (et des autres), en collaboration avec le CNIPAL et le CPFL (29, 30 novembre, 1 décembre 2006, à 10 et 15 h). Notons que les pré-générales des opéras en saison sont ouvertes aux étudiants qui peuvent ensuite discuter avec les maîtres d’œuvre de ouvrages.
L’Opéra de Nice mettra aussi son corps de ballet (E. Gori) a contribution dans certaines œuvres et offrira "Pulcinella" de Stravinsky aux enfants de la région et, pour 2 € à tout public (26, 27, 28, 29 septembre). On n’oubliera pas, de Stravinsky encore, "Symphonie en trois mouvements", le mythique "Sacre du printemps" et "Alter tango" de Piazzola (mars 2007 en région). Enfin, une co-production avec le Ballet de l’Opéra de Toulon, "Zorba le Grec" de Mikis Theororakis (1 et 2 à l’Opéra de Toulon, 8, 9, 10, 12 juin à l’Opéra de Nice). Pour les concerts de l’Orchestre, si riches et variés, on se reportera au site www.Philharmonique-nice.org

TOULON (tél. : 04 94 92 70 78, mail : operadetoulon@tpmed.org)
"Ercole amante", tragédie lyrique de Cavalli : coup d’éclat de l’ouverture ! Un mythe de l’opéra baroque, moins monté que commenté. Commandé en 1659 par l’Italien Mazarin (qui mourra avant de le voir) au célèbre disciple de Monteverdi pour fêter le mariage de Louis XIV avec l’Infante d’Espagne, ce n’est qu’en 1662 que l’œuvre verra le jour, dans un théâtre à cet effet bâti et aux effets battus : le bruit des machines des décors et des « effets spéciaux » était si grand qu’il couvrait souvent la musique. Lully avait entrelardé la tragédie de ballets où dansèrent le Roi et les Grands : le spectacle dura douze heures…Œuvre complexe, allégorique : sous les oripeaux d’Hercule amoureux, il faut voir le jeune Roi abandonnant Marie Mancini pour épouser par raison d’état l’Infante espagnole, nièce de sa mère Astrée ailleurs, ici Junon, gardienne du foyer, Anne d’Autriche. La musique en est passionnante. Venue du Festival d’Ambronay, cette co-production passée par Bourg-en-Bresse et couronnée à Reims, dirigée par Gabriel Garrido, grand spécialiste du Baroque musical, est un événement, malheureusement unique (3 octobre)."Nabucco", de Verdi, dans une production locale mais sans doute déjà pensée par l’équipe Roubaud-Duflot, gagnante à Orange. Svetlana Lifar, ex-stagiaire du CNIPAL y sera Fenena (17, 20, 22 octobre) ; "L’Oie du Caire" et "le Mari déçu", deux opéras inachevés de Mozart à l’affiche ! De la Péniche Opéra de Mireille Larroche et autres lieux au port de Toulon ! À ne pas rater (3 et 5 novembre) ;"Don Giovanni" de Mozart, la production admirable de Bélier-García, de Marseille est passée à Avignon et la voici à Toulon, mais dans la métamorphose de sa distribution ; le superbe Paulo Szot, Guglielmo à Marseille et Nice, sera ici Don Juan : logique ! (10, 13, 15 décembre) ;"La Belle Hélène", l’irrésistible blonde cocotte et cocasse d’Offenbach, venue de Bordeaux, illuminera de ses traits d’esprit et jeux de mots parfois surréalistes la fin de l’année (29, 30, 31 décembre) ;"Pelléas et Mélisande" de Maeterlinck/Debussy, dans la belle production niçoise, auréolera de poésie mélancolique le début d’année et l’on y retrouvera le Pelléas de rêve de J.- Fr. Lapointe face au Golaud si humain de François Le Roux (26, 28, 30 janvier 2007) ;"L’Elixir d’amour", de Donizetti, venu de Savona, réjouira par la forfanterie du bellâtre Belcore et attendrira par la triste douceur de Nemorino : entre les deux, la capricieuse Adina et, entre tous, la musique pimpante mais nostalgique aussi (16, 18, 20 février) ;"Turandot", de Puccini, la cruelle princesse, viendra non de sa Chine mythique et lointaine mais de Saint-Étienne et Calaf vient de Corée, un rayonnant Jeong Won Lee qu’on a pu jauger et juger à Marseille (18, 21, 23 mars) ;"Le Violon sur le toit", à vol d’oiseau d’Avignon, la fameuse comédie musicale, atterrira sur celui de l’Opéra de Toulon (14 et 15 avril) ;"Mireille", de Gounod, d’après Mistral, fera halte à Toulon après Nice, animée par Alain Guingal à la fosse et Paul-Émile Fourny à la scène. Opéra rare aujourd’hui car « sucré », mais scandaleusement épicé en son temps, qui cache mal la violence brutale d’un monde patriarcal sous les aspects faussement mignards et folklorisants. Le rôle-titre, assuré ici par Ermonahela Jaho, lyrique et dramatique, mériterait deux voix (11, 13, 15 mai) ;"Pas si bêtes !", « Opéra jeunesse » (mais qui n’exclut pas les autres, non ?), sur des musique presque toutes russes, est un « dessin animé lyrique » qui inclut une pluralité de techniques. J’en rêve déjà (12 juin).
Les concerts symphoniques, très diversifiés, se distribuent entre le Palais Neptune et l’Opéra qui, avec sa troupe (Erick Margouet) propose "Casse-noisettes "de Tchaïkovski dans une nouvelle production (18 et 19 novembre) et" Zorba le Grec" de Theodorakis, en co-production avec Nice (1 et 2 juin).On félicitera les concepteurs du programme d’y avoir adjoint un historique excellent de sept pages sur l’Opéra.

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